Cœurs Vaillants 1941

Le tragique départ de l'A-X-3 Ln rue, rusque-là silencieuse, s'emplit d'un joycu:t tumulte. Les galoches résonnèrent sur le sol durci, les cris, les rires, les appels fusèrent de toutes parts. Deux garçonnets d'une douzaine d'années s'étaient promptement séJlorés de Io mnssc de leurs camarades ,.et parlaient avec oni· m::uion. Ils avaient, l'un et l'autre, des figures ouvertes et une démarche agile, mois l'un était brun et petit poltr son âge, tandis que l'autre, grand et éloncé; oviÏit une épaisse chevelure d'un blond roux. - - Ohé 1 le « rouquin », fit un g,omin en pns· snnt devant les deux omis, tu me donneras Io réponse du 5ccdnd problème ? Cc ne fut pos l' enfant interpellé qui répondit, mois son camorodc : - Appelle encore Gérard le c: rouquin l> et je te la donnerai, moi, Io solution du problème... Un geste si menaçant ponctua ln phrase G'UC Gérard. intervint : - Laiesc·le, François, dit·il, c'est vri;ii que j 'ai les chen::ux l'oux. Non, Lucien, je ne te donnerai pas Io réponse : ce eeroit tromper le maitre, mais, si tu veux, jé t'expliquerai ton problème. Déjà., le gamin confus s'éloignait et, se tour• nont vers oon omi~ G érard demanda anxieusement : - Eh bien r François, as•tll la permission ? Tout penaud, l'enfant répondit : · Non, malheureusement, il n'y a rien à foire O\'ec popn.. Il dit qu'il ne d oit introduire personne dans le camp d'aviation. GiJ·ard n'ar•ait qu'11n rlt.s11·: aller au terrain pour vo1r <lé.roller les nviotls... - ~+fais, tu y es bien; toi ? - Moi, ce n'est pas pareil. Papa est gardien du camp. Il a son logement pour lui et so famille. - f\1a is, F rançois, puisque tu habites le camp, tu as bien le droit de recevoir chez toi un camarade. - Oui, mon vieux, mois la maisonnette du gar· dicn est ù un bout du camp et c'est ù l'autre bout que les avions décollent. Alors, même si je t'ins· toile dans ma chambre, tu ne verras pas le départ de l'avion. Les yeux bleus de Cérord s'éclairèrent : <.c. Tu m'installerais dans to chambre, dit-il. - l\·1ois 1 bien sûr, c'est demain jeudi. viens n deux heures, noua apprendrons nos leçons ensemble. 1> Les deux amis se séparèrent devant le petit magasin de mercerie t enu par la mère de Gérard et F rançois con:inuo sa route vers le camp d'avio· tion. La matinée du jeudi se passa comme toutes 1es autres. Gérard fit les commissions de so mère. F rançois bèclrn son petit jardin et, repentant de ses taquineries habituelles, aida Luccttc ù corriger une carte de France sur laquelle on voyait la Loire se jeter ù qi..iclqucs millimètres au-dessus de l'es.. tuairc de Io Goronnc. Il poussa même la complaisance jusqu'à prêter à sa oœur ses crayons de couleur : Le moment du déjeuner arriva très vite et, :i deux heures précises, Gérard ::ipparut tout ému. lis e'omusèrent un peu dans le jardin, mois il faisait froid et la mère les fit rentrer. A cc moment, le père sortait. Il revint sur ses pas et dit aux enfants ·: « Amusez-vous dans Ja maison, faites vos de– voirs, apprenez vos leçons, mois sous aucun pré– text e, je ne veul: vous voir sur le terrain. En– tendu, n'cst~c pas ? » - Oui, Monsieur. - Oui, popo D, répondirent les enfants non sans re4ret et ils s'installèrent dons la chambre de François. Peu de temps après, la maman de François aver .. tissait son fils qu'elle allait en vi1lc avec Luccttc pour faire quelques courses. - Si ton père me demande, dis-lui que je ne serai pas rentrée avant cinq heures. - Oui, maman, ou revoir, bonne promenade. DemoiJrés seuls, les garçons se regardèrent les yeux dons les yeux. Dommage qu'on ait promis, dit François. Il ne fout ·POS désobéir, soupira Gêrord. CANARD A LA PAGE Sus à l'elUlerrû. Ils travaillèrent en silence. Quand sonna quatre heures, François offrit à Gérard, une part des châtaignes et des pommes G"UC so mère av11it préparées pour leur goûter. Comme ils achevaient de monljer, on frappa à Io porte de )a cuisine et un aviateur déjà. tout équipe, parut sur le seuil. - Bonjour, mes garçons, dit-il, j'avais · bien peur de ne trouver personne. Voulez-vous m'aider ù porter ces bidon&, je ne m'en tirerais paS tout seul. D'un bond, les deux gamins s'étaient levés. François, pourtBnt, eut une hésitation - Papa nous a défendu d'aller sur le terrain, dit-il. L'aviateur éclata de rire : - Si c'était pour y polissonner, observa~t-il, je vous conseillerais l'obéissance, mois il s'agit d'un service à me rendre, allons, venez vite. 11 empoignait deux bidons. Les deux omis en prirent un chacun et, tout essouffl és, mois joyeux, i)s orriv~"ent bientôt sur l'aérodrome. Le gordien qui les aperçut fronç!l le sourcil et se serait fâché si le pilote n'avait expliqué qu' il était seul responsable G,,e l'apparente désobéissance. - En ce cos, c'est bien, conclut le père de. François, mais maintenant, filez v ite. A cc moment précis, l'aviateur, qu'ils avaient aidé ii porter ses bidons, s'apprêtait à monter dons un monoplan. Il s'asseyait ou siège du pilote, sai· sissoit. le manche ù ba lai. Déjà l'appareil glissqit sur le terrain. François avisant une porte de gorago ouverte, poussa son ami dons l'intérieur et, tous deux blottis derrière des avions ou rebut, regardèrent les yeux collés aux vitres l'émouvant spectacle du départ de ]'avion. G érard surtout, fixait sur Je grand oiseau, des ycu:x élargis par l'enthousiasme. - Comme il monte vite ! murmura-t·il, sans perdre de vue l'appare il qui, ayant pris de Io hauteur, vira lentement, puis se dirigea en droite ligne vers le nord et ne fut bientôt plus qu'un point do.ns le ciel immen!e. - C 'est beau, hein ? demanda François. Son camarade ne répondit pas. A l'autre bout du gara~e, un bruit métallique l'inquiétait. - Tois·toi, dit·il et écoute. Retenant leur souffle, ils prêtèrent l'oreille. Au· cun br.uit ne troubla le silence. - Gérard, murmura François, je ne peux pas rest er ici. Maintenant que l'avion est parti, · papa \·o rentrer à. Io maison et, s'il ne m'y trouve pas, je serai puni. - Pors, chuchota l'autre petit garçon, moi, je ne partirai que lorsque je saurai... • Le fils du gardien hésita un instant, puis, serrant silencieusement Io main de son ami, il ee glisse hors du garage et, longeant les murs. se snuvo ~ à toutes jombes. • Ce déport, si furtif qu'il fût, n' était pas passé inaperçu. Au bout du garage, une voix étouffée murmura : « Tiens, il . ~· avait un gamin, là. L 1 avais-tu vu, Ern~t ?. 7> - C 'est le 6Is du gardien, répondit une outre \'oix. Que faisait-il ici ? Il n'y vient jamais. Bah f l'essentiel est qu'il soit parti. - Je ne me suis pas trompé, pe nsa Gérard, la sueur ou front. Que font ces hommes derrière ces avions ? Et, se glissant d'un appareil ü l'outre, il pa.rvjnt ù se blottir contre le dernier avion de rebut, à quelques mètres de Io rangée de biplans qui disparaissaient sous des toiles goudronnées. C'était bien de là (!ue venaient les voix et, derrière Io troisième avion de la rangée, il aperçut deux hom– mes qui, ii la lueur d'une lampe électrique, sem bla.ient réparer l'nppureil. C'est curieux, pensa le . petit garçon, l'atelier de réparations est là-bas près de la fontaine. Et , si ces hommes ont quelque cbo'se à. foire à cet avion, pourquoi n'nllumcnt·ils pas l'électricité ? Il demeura donc attentif et muet, observant de tous ses yeux. - J c -erois G\Je ça y est, dit enfin Pon dee hommes. T u vois, je n'a i · rien coupé, l'avion e'en– volera, mois à mesure que l'hélice tournera, mes coups de lime s'accentueront ei, ou bout de quelques minutes, l'appareil s'abattra. - Il se sauvera en parachute... - Voilà qui m'est égo( 1 J e n'en veux pas à la vie de cet homme. Cc que je veux, c'est l'argent qu'il emporte : Io paie des ouvriers ·du camp de M ... Nos hommes sont postés à proximité de tous les points de chute possible. L'ev'ion n'ira pas loin. - Et s'il s 1 cnflamme en tombant ? - Nos gaillards sont munis d'appareils extinc· teurs. Et puis, que veux-tu ? Quelques milliers de francs volent bien G'Ue l'on coure quelques risques. - C'est vrai. A quelle heure l'avion d.tit-il partir ? - A trois heures du motin. C'est le pr:emier qui déeolle. Ont mérité d 'être cités à l'ordre du jour des Cœurs Vaillants les groupei> suivants qui se sont particulièrement distingués par la façon dont ils ont réalisé les diverses activités proposées pôr le Mouvement Sainte-Colombe-lès-Vienne t Hhône . Le 24 décembre, ces Cœurs Vllillants ont réussi à ocheter et distribuer 900 !<gs de bois à 20 fa milles pauvres, à payer une journée et demie de travail à un papa chômeur pour Jes fendre, à offrir des jouets à des enfants pnuvres, des lapins élevés par eux à une maman de 7 enfants, à des viciJlards et à cinq autres fomitlse. Tout cela grâce au produit de la vente de 800 flcgs de marrons ramassés por eux, de 500 calendriers et d'un tronc des pauvres entretenu par les petits sacrifices de t<iut le groupe. Ont décidé en outre d'envoyer un 3bonnemcnt à « C. V. » et tous les mois un colis à un petit Lorrain expulsé. - Ont joint à ce magn:fique effort de charité cet outre effort noh moins a<lmiroble qui consiste à p rocurer à des petits gars qui ne Je conn::iissaient pas la joie de lire chaque semaine « C œurs- VaiJlants ». Ont mis sur pied et réalisé pour cela une organisation qui rn~rite d'être crtee en exemple i:. tous les groupes : pointage des gars de Io paroisse qui ne lisent pos « C. V. », - répartition de la besogne des propagandii:;tes, - or~onisotion d'abonnements combinés par rou– lement pour les enfants pauvres, - prise en charge par les équipes (une par mois) d'un petit gars dont le père est prisonnier et la mère malade choque équipirr payant chaque semaine son journn1 1 fr. 10 pour Pouvoir lui en acheter un exemplaire. Tabarka (Tunisie). Avec le concours de leurs grands frères d'un Camp de J eunesse qu'ils avaient su intéresser à leur fëte, les Cœurs Vaillants de ce groupe ont réalisé une veillée de Noël comme jamais on n'e~ avait vu dans le pays. Da.ne 1o sa!Ic désaffectée d'une vieille usine à .pipes, ont donné successivement devant toute la ville (CalJfc et Vice...Prêsident en tête) une séance des plus réussie terminée par le beau chœur perlé de Noël sur la ·France. Ont ainsi contr~buê ü nffermir dons le cœur de tous la foi dans le relèvement de Io patrie et la résolution de travailler résolument à ce relèvement. Ont en outre réussi à recueillir au cour.;; de la séance plus. de. 800 francs pour le .Secours National. · Montarnaud, Groupes St-Paul et Ste-Jeanne-d'Arc. Se sont particulièrement distingués pour la vente du calendrier. OrgBnis6s en équipes, ils ont apporté un tel entrain d~rns leurs tour· nées que toutes les maisons du pays ont été visitées une ~ une et qu' ils ont pu réussir le tour de force de vendre 500 calendriero dons un petit village de 800 habitants. Mais ce n'est pas tout. Les mêmes G roupes ont construit 50 crèches <Je Noël dont 30 ont été portées à des familles pauvres où elles furent chaleureusement occueiJlies. Bravo, petits frères, c'est avéc des gars comme vous que. la Fra_!lce rede· viendra ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. Tous, là ou vous etes, vous avez bien mérité de la Patrie. LE MOUVEMENT c. v. - Tu es sûr que c'est bien celui-là P - Absolument sûr. Le second à pertir est un monoplan et il prendra l'air à cinq heures seule· ment. Viens-tu ? Deux hommes en « bleus » sortirent du garage et, pins mort les regarda s'éloigner. Quand ils vue, il partit à son tour. de mécaniciens que. vif, Gérard furent hors de Une gronde angoisse montait peu à peu dans le carnr de Gérard. Evidemment, il était sur le trace d'un crime, mais il avait désobéi en s'attardant sur le terrain. Informer le père de François de cc qu'il ava:t entendu, c'était lui révéler la faute commise et foire punir sévèrement son camarade Deux hommes semblaient répm-er l"ap)ianil. . r>référé, François redoutait beaucoup les corrections poternelies. Gérard devait-il s'y exposer, alors que c'était lui seul le eoupable ? Quand il atteignit Io maison de sa mère, sa décision était prise. Il assumerait à lui tout seul la responsabilité des événements. Il expierait se désobéissance et F rançois ne saurait rien de ses angoisses. • Chaque soir, avant de se coucher, Gérard met- tait les volets à la petite devanture de la m&.. ccr:e, fermait à clé et poussait les verrous. Ce soir-lè, il . eut soin de ne pas tourner la clé dans la serrure et de mettre cette clé dans sa poche. La mère et 1e fils montèrent ensuite se coucher. Fatiguée de sa longue journée de travail, Io pauvre femme ne tarda pas à s'endormir et, de la chambre voisine, Gérard entendait sa respiration régulière. Quant à lui, il tourna et retourne dans son esprit le plan si rapidement conçu. Quand deux heures sonnèrent à l'ég1ise voisine, l'enfant fit un signe de croix et, sons bruit, se glissa hors de son lit. Arrivê en bas, il ouvrit nvec mille précau· tians la porte du magasin et se trouva dans la rue. Le nuit était froide mais claire. Sur la route blanchie par le hmc, Gérard se hâta vers l 'aéro· drome. Plusieurs fois, il se crut suivi et se mit à courir. Mais a u fur ~t à mesure qu'il approchait son inquiétude gr11ndise:e1t. Comment entrer3it·il dans le camp ? Au loin une horloge venait de sonner Io demie de doux heures. Le pauvre pet it n'avait {>lus que trente minutes devant lui et il cherchait en vain une brècht! par où s'introduire non loin du lieu de démorraQe... Trois heures moins le quart t Des larmes de rage perlèrent aux yeux de G érard. Echouer !Î près du but e t assister à la chtitc de l'avion qu'il aurait pu sauver r Mois des lueurs parcouraient le terrain, des mêcaniciens sortaient d'un garage. Fou d'impatience, le garçonnet se mit à courir et, soudain, se trouva devant une barrière de fils de fer barbelés. Sans une hésitntion, Gérard prit son élan et franchit l'obstacle non sons ·se déchirer les jambes aux pointes aiguës Sans s'arrêter à ses flOuffrances, l'enfant se hûta vers les lumières. Soudain il fut DTrêté par une colonne de iont 1 e supportant le toit d'un hangar et tomba rudement. Sa tète porta sur une pierre et il demeura étourdi par le choc. « Et cet avion. dont J"heure de départ allait sonner ! » Faisant appel :i toute son énergie, l'cnfont se redressa. Il n'était pas très solide sur ses jambes et quand il ~rriva, enfin, auprès de l'avion autour duquel s'affairaient trois homm·es, il tombn devant eux, à demi ~vonoui: Comme dans un cauchemar, il eut l' imp1'ession que des ombres se penchaient sur lui, puis on luj ouvrit Io bouche et une (,orgée d' un liquide fort 1e fit tousser et éter– nuer. - Eh bien, mon vieux, dit une voix enco.ura· gean"te, qu'est-ce qui te prend de venir t'évanouir devant mon avion ? Tout à fait revenu à lui, Gérard lut debout d'un bond et demanda : · - C'est vous l'ovioteur 1 Monsieur ? - J e suis rrn aviateur, corrigea le jeune homme en riant, meis je ne suis pas le seul. - C'est vous qui partez à trois heures, Moa... sieur ? - C'est moi qui Jevais partir à. trois heures, mais tu m'as .-ewrdé et il est bien trois heures cinq. L'enfant poussa un soupir de soulagement - Il ne fout pas partir. Monsieur, votre oppa. reil est saboté. - Saboté ? J 'ai fait un Vo1, hier et toutes les pièces ont été vérifiées. - Hier soir à cinq heures, précisa Gérard, des mécanos ont « tripoté » votre avion. Ils ont dit G'UC vous alliez foire des paiements et qu'ils avaient limé... L'avi::iteur ne Je laissa pas achever : « Vite, voue outres, venez ici avec la lantCTne et exomincz·moi toutes ces pièces. » - On a tout revisé hier, voulut dire un des ·hommes. - Pas d'observations, faites vite. Pendant, que les ouvriers travaillaient, le jeune homme attira Gérard à port et obtint facilement de 1ui un ·récit complet des événements. Quand l'enfant prononça le nom d'Ernest, l'aviateur sur· sauta : « C'est mon ancien mécanicien, dit .. il. Quel nigaud 1 II n'a pos pensé qu'en descendant en parachute, j'aurais gardé les fonds sur moi 1 » li demanda è Gérard son nom et son adresse lorsqu' un des mécaniciens poussa une exclamation : Patron, dit-il, il y o des coups de lime un peu partout. L'appareil rmrnit volé mais se seroit abottu après quelques tours d'hélice. Quel peut bien être le criminel qui n foit ccln ? - Je crois le sovoir, fit l'ovioteur, pensif. Louis, prenez mon auto :lu garage et recondUisez ce petit bonhomme à l'::idresse qu'il vous donnera. A demain, mon o.mi . Quelques instants après, Gérard, meurtri mnis joyeux, regagnait son lit avec préco.utfoos. A sept heures, ~·turnd sa. mère l'appela, il dormait à. poings fermés. li se l.çva en hôte, mis sa culotte de goli pour cacher les égratignures de ses jamb es et., tout simplement, prit le chemin de l'école. Lo matinée se passa comme d'habitude mois, co sort'Dnt de l'école, à. onze heures, les enfants reo· contrèrent des gendarmes à cheval conduisant un groupe d'i~dividu~ portaai 1es menottes. Pormj eux, Gérard reconnut avec ~'>ulag.cmcnt les deux saboteurs de ln veille. Et, presqu'en même temP'S nn ronronnement joyeux emplit le ciel. Fier et pu :sso.nt . • )'avion réparé prenait son vol. Géro.rd, du coup, se sentit payé de toutes ses angoisses. Par son cron et sn décision, il avait gardé à la France un précieux serviteur. M.-T. LATZARUS. • T out n\·air l 'air de se passer très b ien, mais ! 'angoisse néanmoins serrait encore les cœurs. C'est Qu'o o leur a\·o:t tellement répété de faire at· tcntion, de GC méfier, de ne point descendre dans le gouffre !... · - N 'y niiez pas ! ... Les entrailles de la terre sont habitées !... Le Professeur !\fodrépinc haussait ses larges épau– les, avait un geste qui balayait tout : - H ab itées, les entrailles de ln terre ? Et par o qui, s'il vous plaît ?... On ne savait pas. Mais cc. doot on était bien sùr. c'est Qu' il se passait quclQue chose de .bi– -zar~c. Et même dons le gouffre, à picd-d' œuvre, oo n 1 était pas tranquille... Romain Clar isse, malgré son â(!c - il avait seize ans - faisait montre d'oc pQisible courage. Ccln ne l'empêchait pas de 'tendre l'oreille ou rnoiÎl· dre bruit, de tout épier, de tout guetter, et d'ou– \"rir l'œil, dans la projection du pborc. Est·ce qu'on allait rencontrer les monstres ?... Hum!... Ils allaient voir bientôt s'ils se trompaient ou non, et si les indigènes de Torocupéra leur avaient menti. - N 'y allez pas !... On les entend Io nuit, qui mo-rcbent na fond des gouffres et qui mangent Je ro.c!ler... - lis 1=:;gent le rodrnr 1 C' en ctait bieo d' une autre !... Quelle drôle d'histo:rc 1.•• Tout ceci so passait G Madagascar. Un savant Franç:aie, le Professeur Modrépino, secondé par son disciple, l' ingénieur Rastel, et escorté par Romain Clarisse, un jeune aide qu'il estimait beaucoup, avait décidé d'explorer non seolement les gouffres et les abîmes de certaine région montogneuse de Marcel, écoute... Au son de Io voix de son chef d'équipe, Ma rcel s'est retourné d 'un seul bloc. Mois qu'est-ce qu'il a donc, Jean– Fronçois à t rembler comme ça ? - Ç'est pour Pa ul ? Eh bien, Poul est un peu en retard, vo·là tout, qu'est-ce que cela a d 'extraordinaire ? Mo is Jean-François ne p araît oas rassuré du to ut : " Tout à l'heure, dons Io Grotte ... Io bondes do:1 XxX.. . t u sois bien qu'elle voulait tendre un guet-apens à Poul... alors s' il n'est pas fà ?... n Marcel se rembrunit : c 'est vrai cela ... il n 'y pensait pas ! Mois tout d'un coup Le lendemain soir, 5 heures. Au m ilieu d' un amoncel:cmcnt d'objets b izarres, Jean - François se démène comme un brocanteur de profession : u Par ici les chandails... mc~s les couvertures dons fo caisse, ci' n'oublie pas de marquer sur le tableau, hein? " Impeccable, Ma rcel exécute les consignes, tondi5 q ue Louis, oui est toujours premier e n écriture, inscrit sur le tableau de campagne d'interminables listes : l'équ ipe au grand complet est en tra in de pré parer Io d is– tribution des trésors ramassés pour les pauvres. ·.< Ohé, Jcan-Fron~oi!; ! tu a~ une minute ? n l'île, mais encore les lacs souterrains dont il avait décel é l'existence. Ils avaient planté leur tente dans un petit Yil– laj e de l'intérieur, nommé Tarocupéra. D éjà, à deux reprises, munis de cordes et d'olpcnstoks, ils ovaient g1issé le long des pentes des ravins pro.. fonds , et étn· ent remontés sons encombres ni sur.. prises, en dépit des racontars des indigènes... Ceux-ci leur désignaient d'énormes rochers que l'on eût dit rongés, comme ln mer · parfois attaque une fal:J.lsc, et ils disaient : - Vous entendrez. la nuit les mystérieu.x habi– tants des entrailles de la terre ; ce sont eux: qui dévorent lentement le rocher ... A la vérité, jusqu'à présent, les trois François n'ava ient rien perçu de semblable ?.•• l\<fnis ils atteignaient nu point crucial de leur expédition, et, sans trop savoir pourquoi, cc jour· là, ils ne se sentuieot pas tranquilles. Le Professeu r Modrépine et ses compagnons vo· ~uaient à prÇscnt sur les eaux calmes et sombres d' un immense lac souterrain, dont les contours se. perdaient dans les ténèbres. · lis occupaient une barque frêtée spécialement, munie, à l'avant, d' un phare puissant, dont la lueur ne suffisait pas, néanmoins, à éclairer le sinistre ' décor environnant. Autour d'eux, ce n'étaient Que t rous d'ombre et parois rocheuses, suintantes 1 d'humidité. Au .. dessus de leur tête, s'arrondissait une ,·oûte, plu· tôt irrégulière. Ils se trouvaient ù présent plus qu'au milieu du lac dont ils méditaient la traversée totale, et de.. voient aaviguer avec précautions, à couse des mul· tiples récifs qui jalonnaient leur route, émergeant de l'eau sombre. Le Professeur Modrépiae se trouvait à l'avant, guidant le phare mobile, jaugennt Je fond à J'aide d'une ~affe et conduisant la marche ovcc pru– dence. Derrière lui~ l'io~énieur Rastel recucilla:t déjà d'intéressantes obscrvatioos. Quant ù Romain Clarisse, il ramait... Les voix résonnaient bizorcmment sous la voûte ; mais, pour le moment, avec le doux clapotis de l'e:iu, c'était le seul bruit que l'on entendit... Il faisait froid... Lo. barque s'achemiria:it lentement vers l'outre rivc 1 que le foisccou du phare frnppait en plein et permcttnit, de seco.nde en seconde, de distinguer davantage. - Voyet comme, ici, la plage est courte, dit le Professeur. On simple ·ruban de sable. En effet, et, ou delà, une grande falaise tombait à pic, comme un mur, oc présentant aucune en– fractuosité, pas de grottes ni de cavernes. - Je crois que nous ne pourrons pas aller plus loin, et... Le savant dut s'interrompre, brusquement. C'est ce moment quo tout commença t ... Ho !... balbutia+il. Vous avez e11tc11du ?o••• Je second d'équipe oousse un cri de joie Poul ! Paul ! le voilà... A l'a utre bout de Io place un bruit de galoches retentit joyeusement sur le pa vé u J' vous ai fait a tte ndre, he in, les gars ? Fout pas m'en vouloir... » Mais Jean– Fronçois et Marcel ne ioissent p as à Paul le t emps de s'excuser davant age : u Alors, Io bande des XxX ? Io Grotte l'loire ? " Poul ouvre de grands yeux a hu ris : Mais non, il n 'a rien vu, rien entendu.. qu'est-ce que ce la veut dire ? En deux mots les garçons Je mettent o u courant de l'affa ire. " Ben vrai, j' J'ai échoppé belle..• Jean-François émerge de ses colis : " Ah ! c'est toi, Danie l... attends, j' arrive ... n . Quelques se– condes plus ta rd, les deux chefs d'éauioe dis– cutent à voix bosse dons un coin du local. Une expression qrove est oossée sur leur visage quand il s'ooit d'établir des pions de conquê te de l'importance de celui- ià, on n 1 0 pas t rop de tout son cœur et de toute son attent ion. - <t Non, mon ami, non, je ne m'arrêt e rai pas... mes hommics m'attendent devant Io sy– nagogue•.. on n'a rrêt e pas pour si peu quelqu' un , T out le monde avait bien entendu, et, machi– nalement, Romain Clorissc s'arrêta de rnmer. Ln barque se mit è. dèriver, tout doucement ... C ' éto.it un bruit étrange, compor:J.blc 2t un grincement. O n eût dit que quelque chose rampait sur le. rocher... lvlai-s où ? ... - On ne voit rien t••• murmura le Professeur. Dressés dons l'embarcotion, les t rois hommes fn·saient tourner le phare de tous côtés ; rien ne leur npparnissait. L 'immense grotte souterraine demeurait désert e, vide, et caltues les eaux mortes du lac. Pourtant, le bruit mystérieux s' acccntu:J.it. Romain s'exclama : J 'ai compris 1... - C ela provient de derrière la falaise, de J'outre côté du mur ... Nul doute sur ce point, en effet. A mesure G'UC le bruit insolite grandissait, ponctué de heurts sourds, de grincements plus forts, l'on pouvait se rendre com1>te que tout se passait au delà ·de ln haute paroi rocheuse. Les trois hommes restèr ent là, immobiles, onxieux, dans la barque qui dérivait. Des gouttes de sueur perlaient ù leurs t empes, et ils avaient l'impression que leur cœur s 'arrêtait de battre. Pour rien ou monde, ils n'eussent abordé main· tenant, . se sentant davonta~e en sécurité nu milieu du lac. Mois Io grand mystère les prenait à la gorge, et ils comprena:ent qu' ils a.voient eu tort de sourire des sombres prédictions des Malgaches... Et tout · à coup... - Mon Dieu !... gémit Romain Clarisse, hagard. f\.1ais c'est vrai !... On mange le rocher l .•. Il y eut un bruit formidable, un éclatement de la poroi rocheuse, qui se répercuta longuement sous la voûte. . Des pierres jo:llircnt de tous côtés, vol– tilJ,èrent alentour dans un frocns épouvantable !. .. Brusquement, Io paroi rocheuse s'entr'ouvrit, li– vrant passage au monstre t... - Une taupe géante !... balbutia Romain C la– risse. Le jeune homme se trompait, encore q'Ue 1a çompllroison fût assez juste. L'animal bizarre, qui surgissait du roc percé et se trainait sur l' étroite bande de sable bordant le lac, pouvait rappeler une taupe, mais de quelles proportions 1... E lle était aussi grosse qu' un b&'uf, avec une carapace luisante comme les écailles d'un moostre ~aria. Son museau était pointu, terminé par un Ion~ dord rigide, un peu comme le poisson-épée. Elle avait des yeux immenses, qui brillaient fantastique· ment. Et voici qu'un autre, puis deux a·utres monstres semblables, s urgissaient dans son sillage !... lis s'en ollaie.nt en file indienne, lentement, sur la rive du lue noir. Tels ,~rrsicnt les fameux ~'1angcurs et se lnissa ~lisser doucement dons l'cnu bour · beuse du lnc soutcrrnin. Son corps devait en tou – cher le fond, cor il émergeait encore, cependant qu'elle scmb'ait nni,!c1· drins Io direction de ln barque. Les occupants de c~ttc dernière ne savaient plus où se mcttrt' ! ... Quunt aux trois autres monstres, ils étaient demeurés sur lu rh·e. - Le projecteur 1... s' l:criu I 1 ing~nicur Rastel. Veillez sur Je projecteur 1 - tvfois j'y veille bien!... répliqua le Professeur Mndrépinc. Rien n'indiquait, en effet, qu' il s'en fût écartt!. Pourtant, les yeux de la « tuupe » bri1101ent fon – tostiqucmcnt, et Rastel ovtJit cru à un. reflet. Or 1 il n·en étnit rien : c'est bien )es yeux du mons - tre qui irradiaient cette clort& snudaine, - de la lumière électrique !... - Des hublots !... s' exclama Rornnin Clarisse. A présent G'1e la taupe se ropprochait 1 l'on se re ndait compte que sa carapace métallique n'était autre que le revêtement d'une sort e de char d'as– saut, qu'il s' agissait, non d'une bête, mais d'un en· l!in, d'un véritable tank-amphibie, et q'lle le dard .du poisson-épée n'était qu' une perforatrice perfec– tionnée, destinée ù .percer Je rocher et susceptible de briser to us les obstacles 1 ... Au moment où l't!.trangc appareil accostait Io barque, l'uo des hublots s'ouvrit. Une tête d' hom– me s'y rncadra ; une voix dit : - Suivez-nous jusqu'au rivo~c, Mes sieurs. E t bientôt, le temps de l'épouvante passé, de suprêmes explications s'échangèrent ; - Pcrmettcz-nwi de me présenter, dit l'homme du ta~ souterrain. Ingénieur Robert CJorieux, des Mines de Rafotélnda. Dès lors, tout s' cxptiquoit. On se sépara gaie– ment, et c'est ainsi que s'6tcignit Io lé~ende mal· gacbe des Mangeurs de Rocher. André Livn!lUSRS. de Rocher, les quatre monstres qui hantaient les nuits sons sommeil des l\.1olgachcs de T arocupéra... -----------------------. Mais le Professeur f\1adrépinc et ses ossist~rnts n'é:aient pas encore ou bout de leurs sur prises; - ni de leurs émotions !... Soudain, l'u ne des taupes ~éaotcs quitta Io rive moi qui croyais être resté trop longtemps chc: Lucien... Mois, tu sois, Jean-François, c' ê tait tellement chic tout cc q ue sa Momon me ra· contait... " A Io joie qui brille dons le regard de son équipier, Jean-Fra nçois devine, en effet, que Poul a d û foire là-haut du chic trava il. (1 - Reviens un bout a vec moi, veux-tu Poul ? tu me raconteras tout ça pendant que Marcel s'en va chez Daniel. Je t 'cxoliqucroi en chemin cc qu'on a décidé pour Io bonde des XxX... » Toc.. . toc.. t oc... Mo rcel o frappé vigoureu– sement à la porte de Daniel Lourent q ui ouvre de mon importance... » 1nterloqués, Daniel e t Jean- Fronçais s'arrêtent net, en plcinè con – versation. Et, comme ils se ra pprochent un peu pour voir d'où v ient le bru it , Jean-François, tout d'un coup, port d 'un grand éc!ot de rire : " Alt ! cc Roger... cc Ro~cr ... n Drope dons une couver t ure bariolée , RoQer, solennel et h irsute, dé – clame d'une voix tonit ruante des ohroscs in – terminables. Jean-François a grond'peine à re · prendre son sérieux et comme Daniel, interlo– qué, sem b le déou isé en ooint d 'interrogation : <t C'est f>OUr Io séance de jeudi prochain, ex· Un fameux plan de campagne tout de suite. Da niel est un Cœur Va illant, un vra i, un de ceux sur lesquels M . Pierre compte Je plus pour )'aider. 11 a 13 ans depuis plusieurs mois dcjà et se o réciore à recevoir bie ntôt Io croix vermeille des Entraîneurs. C'est pour cela , sans doute, q ue son équip e, Io Saint-Pierre, m arche derrière lui comme un seul homme, fai– sant à Io fois Io joie et Io fierté de Io Chré– tienté. Marcel a expli(IL1é en quelques mots cc que dema nde Jean-Français : " Bon, entendu... dis- lui qu'il peut compter sur moi, je vie ndra i de main soir au local... n pliq ue Je chef d'équipe, on prùporc la scè~c m imée du Bon Samaritain, ma is je n'ai jamais pu foire comprendre à Roger que pour mimer quelqu e chose, y a pas be:,oin de parler. » E.n écoutant Jeon•François, Daniel s'est tout d'un coup frO!W é le front· d'un a ir inspiré : « J'a i une id~c ... mon vie ux... une idée épotontc pour notre campagne... tu os du papier blanc ? des croyons de couleur ? ofors viens un peu ici, t u ' vos voir... n ( A suivre. ) Jean BERNARD.

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