Cœurs Vaillants 1941

Une belle journée de mai... Le ciE)l est très bleu, comme il ne l'est en aucun autre mois. La petite place de Gimont est presque déserte. Les chiens et les chats dorment sur le seuil des portes. Des pots de géranimn ornent les fenêtres ; la cloche dans le clocher restera immobile jusqu'au prochain angelus. Une impression profonde de paix se dégage des choses. poser sur le fond pierreux du puits. Que faire ?... Aller quérir la grande échelle de M. le Maire, celle qui sert pour les incendies ?... Celle-ci du moins serait assez longue !... Oui, mais il y a déjà quelques secondes que les deux enfants ont disparu... Il faut faire vite, très vite et ne pas prendre le temps d'aller chercher un meilleur outil. Tout à coup, un cri d'effroi retentit !... Deux enfants, deux petits de quatre ans, qui jouaient depuis un moment aux alentours du puits, ont eu l'idée folle de monter sur la m argelle. Ils se sont d'abord penchés sur le vide qui s'ouvre devant eux comme pour se prouver l'un l'autre qu'ils n'avaient pas peur ; et pui!'. amusés d'apercevoir tout au fond leur image trouble et déformée, intéressés par les sons fügubres qui leur reviennent quand ils crient, ils se sont enhardis. - Tenez-la, décide Joseph, je vais descendre.. Sans discuter, les hommes, que sa décision a gal– vanisés, exécutent l'ordre donné, tant il est vrai qu'on ne discute jamais devant un chef, quel que soit son âge. Sans hésiter, le jeune Serres pose le pied sur le premier barreau, s'agrippe à l'échelle vacillante dans le vide, la descend à une allure vertigineuse. Une grande joie l'attend en bas. L'un des petits noyés vient de reparaître à la f'Urface ; il tend la main, aidant à sa propre délivrance. Joseph l'attrape à bras le cm:-ps et remonte en toute hâte. Les voici tous les deux à l'air libre ; le grand jour les aveugle un instant. Mais déjà des mains de femme se sont emparées du petit paquet humide que Joseph ramène. Brusquement, l'un d'eux a perdu pied !... L'autre a vot;lu le rattraper d'un réflexe rapide et s'est trouvé entrainé à son tour. C'est alors que le cri a retenti sur la petite place, faisant sortir des maisons. d'un seul coup, tout ce qui demeure à cette heure au vùlage. Il y a là quelaues femmes : la maman des deux petits qui hurle de douleur sans pouvoir rien faire d'a utre que de gémir, des voisines, quelques hommes aussi : le maréchal-ferrant, fe boulanger , le notaire... Mais la panique est si grande, qu'aucun d'eux n'ar– rive à retrouver son sang-froid. Pourtant, chacun le sait, les minutes - que dis-je? les secondes - vont décider, pour les deux petits imprudents tombés au fond du puits, de la vie ou de la mort. A peine est-il déchargé de son fardeau, qu'il redes– cend à une allure accélérée. Il faut sauver l'autre maintenant et les minutes qui passent sont beaucoup plus graves encore que les premières, puisque les chances d'arriver à temps diminuent. Anxieux, les hommes se penchent : comment va se terrriiner le se– cond acte du drame ?... Joseph Serres est là, lui aussi. C'est un garçon de douze ans, un enfant encore. Pourtant il va agir comme un homme. Il a couru jusqu'à la grange la plus :)roche ; il en revient traînant une échelle, la bascule par dessus la margelle, la fait pivoter, la descend dans le vide ; hélas ! elle est trop courte, impossible de la Le vaillant petit gars est arrivé au bout de l'échelle; mais cette fois rien n'apparaît sur l'eau glauque. En va in. le regard de Joseph fouille le fond du puits. Il n'aperçoit rien, pas le moindre pan de vêtement, pas le moindre frémissement. Sans hésiter il se suspend dans le vide, se retenant à l'échelle par ses seuls pieds arc-boutés autour du dernier barreau. Là-haut, les hommes ont frémi !... Le corps du jeune ( 1 Ils en ont d e la chance, n'est– ce pas ? ces petits frères de Pra– de:; dont M. Lamirand, l'au tre j our, a visité le local et admiré les coins d'équipe, inscrivant S'.tr le Livre d'Or cette phrase qui f ait , à juste titre, la fierté dzz Groupe St-Pierre : " Les Gœurs Vaill ants comptent parmi les meilleurs arlisa ns du redresse– ment de la France " · J'ai tenu à vous la citer azz– jo11rd'lwi parce que la fierté d P. vos petits fr ères pyrénéen s dol./ être zzn peu la v6tre. Cœurs Vail– lants de partout d ont la vail– lance, l'ardeur, les e ffort s ont fait naitre en M. Lamirand une f erme confiance dans la France d e demain. Cette confiance de nos chefs, il faut que vous en preniez cons.– cien ce, il- faut qu e vous en soyez fiers ; il faut aussi qzze, chaque j our, vous vous efforciez de la mériter davantage. · °VO~~ "iYCUS êtes engagés, . tous... Répondant à l'appel du llfaré– clwl et aux consignes de voire Mo1wen1 en t, vous vous Btes enga– gés d e tout votre oœur dans les LIGUES DE LOYAUTE. Des cen– taines de feuilles s ignées par vous nous reviennent to11s les jours . Nous savons au.ssi que les diffi– cultés n e vout manquent pas . Cela n'a rien d"étonnant : ce qui est utile, ce qui reblltit d emande toujours de l'effort. Mais lors– que, par votre cran, votre t éna– cité, votre ardeur souriante. vous aurez vaincu ces difficultés, vo 11s verrez uos ca111arades vo11s ~uiure et le morceau d e Fran ce dont llies Cœurs Vaillants comptent paxmi les meilleurs artisans @l.11! :redressement d.e la. rance. vous êtes responsables devenir, grttce à vous, plns clair, plus fort, plus digne de sa vocation chré– tienne. Dans quelques joms, vous aussi peut-être... 'A M. Lamirand, les Oœurs Vail– lants de Prades ont remis, l'autre joizr, pour le Maréchal, une lettre qui contenait leur adhésion en– t ho us iaste aux Ligues de Loyauté . " Ils ont de la chance », pensez– vous ? Eh bien, ne les enviez pas trop. Tl se pourrait bien que dans quelques jours, vous aussi... mais j e n'ai pas le droit d 'en dire plus aujourd'hui. Rappelez-vous seu– lem ent, pour les jours prochains, qu'un vrai Oœnr Vailla~t doit Btre au premier rang chaque fois qu'il s'agit de prouver son atta– chement à la grande œ uvre du r elèvement de la France et ne pas avoir peur de dire pourquoi il s'y donne d e tout son oœur, en gar– çon qui a compris le fier idéal de son Mou~nf. Ligues ch Loya11té.– Coâse S~rise ... En mbne temps qiz'aux Ligues de Loyauté, vons vous Bfes don– nés à fond à la vente d e votre journal pour porter à tous les fières consignes qui font de vous " les meilleurs artisans du re– dressement de In France ". Avec ce numéro paraît, p-0ur les grou– pes inscrits, l'affiche contenant le classemen t de la de uxièm e étape de cette Course. A. tou s l es cou – reurs, à tous ~ce ux qui, bravant les difficu ltés, se sont d onnés san s compter à ce rude- effort, j e dis: Bravo, petits frère s, v otre Mouvement est fier de vou s. M. LAMJRAND, awt Cœurs Vaillants de Prades. Et .maintenant, un mot encore... Dans quelques j ours , ce sera Noël. Déjà vos dirigean ts ont dû vous parler d e la belle séance que nous voulon s organ iser le 28 décembre pour célébrer avec to us les n6tres la f ête· de tou tes les familles chrétiennes sur t erre. Pour inviter à cette fête les fa– milles de votre quartier, il faut leur porter, à domicile. d es " tracts " du genre d e celu i-ci. l' ous les illustrerez avec les d es– sins, les ph.otos, les images que vous pourrez trouver . ll faut faire quelque chose de très joli et d e très personnel. Qui fabriquera le plus beau " tract " en l'honneur d e l'anni– versaire de naissance du Christ, notre Grand Frère ? L'ALPINISTE. '}((~ IL Y A 1941 ANS... LE FILS DE DIEU EST VENU SUR TERRE dans une famille comme les nôtres.•, Comme n ous.il a soutrert., • il a eu faim et f ro id .. . il a connu la misère . Mais il a apporté à cewc qui veulent le suivre LE SECRET DU BONHEUR Pour fêler Noël, f ête de toutes l~s familles chrétiennes sur terre le s Cœ urs Vaillanta de la Chrétie nté . . . ... . . vous invitent, ave c tous le s vôtr es, à la StANC E FAMILIALE qu'ils d onneront le Dimanche · 28 d é– cembre à . . . . heures. La oalle se ra chauffée. sauveteur vient de disparaître à son t our dans l'eau glaciale. Aura-t-il la force de se redresser ?... ne va-t-il pas être saisi par le froid alors qu'on est tout proche encore du repas de midi?... Tout cela pour sauver un petit imprudent qu'on ne retrouvera peut-être pas... La volonté de Joseph est tendue au maximum. Il sait qu'il ne pourra pas rester plus de quelques se– condes dans cette position affreusement danger euse. Il sait que, d'une minute à l'autre, il peut lâcher prise, se trouver lui aussi sans point d'appui. Il sait que bientôt il va suffoquer, ne pouvant plus respirer. Il faut donc qu'il réussisse très vite. Ses bras, désespérément, ont battu l'eau glaciale pour l'explorer en tous sens. Un besoin atroce de res– pirer commence à se faire ressentir chez le jeune garçon. Dans un suprême effort il exécute une der– nière brasse. Mais !... Qu'est ceci ?... Sa main vient de rencontrer quelque chose de mou, un chüfon ?... non, c'est le ta- C'est alors que le ori retentit... blier du petit noyé. Joseph s'en empare. Le corps est léger dans l'eau, il ne demande qu'à remonter à la surface. Mais c'est Joseph qui, maintenant, épuisé, n'arrive pas à r établir son équilibre. Pourtant, d'un nouveau coup de reins, il y parvient . D'une main il peut saisir le dernier barreau de l'échelle, de l'autre il soutient le petit corps qu'il a repêché. Péniblement, il parvient à sortir de l'eau dont le froid commence à le saisir dangereusement . 11 lui faut maintenant remonter jusqu'au grand soleil ; or les forces abandonnent l'enfant héroïque qui se sent pris de vertige. Il ne s'agit pas pourtant d'abandonner la i:;artie. Elle n'est d'ailleurs pas complètemen t gagnée. Pourra-t-on ranimer le pauvre petit être trop longtemps resté sous reau ?.•• Essoufflé, épmse, Joseph parvient jusqu'au dernier échelon. On le décharge aussitôt de son fardeau et, tandis que les femmes s'empressent autour du petit noyé, les hommes aident le sauveteur à enjamber la margelle. Il claque des dents, il est livide. Pourtant il refuse· les soins qu'on veut lui donner. N'est-il pas beaucoup plus urgent de s'occuper de celui qu'il a ramené et qui n'a pas encore repris connaissance ?:.. Non, vraimen t, Joseph ne pourra pas se reposer et se sécher tant que son petit camarade n'aura pas repris ses belles cou– leurs. Une heure se passe, une heure très émouvante, pen– dant laquelle chacun s'efforce à tour de rôle de r e– mettre en mouvement les petits poumons qui ont perdu leur rythme habituel. Mais tout à coup, un souffle rauque passe entre les lèvres de l'enfant. Il respire... Il est sauvé !... Alors, J oseph a accepté d'aller changer de chemise et de prendre un bol de vin chaud que des voisines lui ont préparé ; et puis, tout simplemen t, comme st de rien n'était, il est par ti pour les champs avec le troupeau de son ]:)'ère : il sait que les devoirs de chaque jour, pour avoir un peu d'éclat, dema ndent aussi de l'héroïsme. Cela se passait en 1839, à Gimon t, dan s le Gers. Il y a plus d'un siècle, vous voyez. Mais cette his– toire méritait de ne pas tomber dans l'oubli. c·est pourquoi je vous l'ai contée. Noël AUBLED. ---, - ..__.-... SUITE DES A VENTURES DE r---_, Jf AN-FRANÇOIS e t son équipe ·ÉCOLIERS DE_ LA NOUVELLE A videment, Jean-François éc; ute 'son popo, qui, d'une voix grave, parle ·de Jongues jour– nées de sa captivité. Il dit les heures Jourdes où d .semblait que la vie se b ornerait toujours aux horizons gris limités par les barbelés du camp ; qu 'on ne connaitrait p lus jamais l'ar– dente satisfaction de !"effort joyeux pour ceux que i'on c ime. Et le popo décrit l'accablement qui, petit à pet it, soisit les hommes, la con– fiance qui s"cn va, la terrible tentotion de t o 1t laisser t omber parce Que c'est trop dur, t rop é l rongla it, Jean-Fronçais o çontinué . Je vous donne ma parole de chrétien que je n 'ai pas triché. Malgré les opporences, me croyez– vous? • Cet te fois, les Cœurs Vaillant s n 'hé– tilcnt pas. Devant les yeu>< cloirs et les fières paroles de leur chef, toute l'otmosphère lourde, qui empoisonnait l'équipe, s'évanouit d'un seul coup et un a Oui » vibrant, vient, comme un rcryon de soleil, dissiper Ici; nuages.' Pas be– ~oin de vous dire que la réunion d 'équipe, ce rour- tè, retrouva d'un seul coup l'entrain et Io irotcrn1té des plus beaux jours. Pourtant injuste, t rop long... Et puis Io voix du prison· n ier se rafferm it un p eu. Il explique m o intr:?– nant ce qui l'o aidé à reprendre Je dessus : quand on est un chef a- t -on le droit de se laisser aller comme les aut res ? Ne fout-i·J pas réagir, tenir bon pour ceux q ui, mêm e lors– qu'ils paraissent avoir perdu toute confiance, attendent quand même quelque chose de celui qui demeure responsable d 'eux? En disant ces mot·s, le papa de Jeon -Fronçois a plongé son regard d ons les yeux de son f ils : c. Tu corn- le mystère subsistait tout entier. Personne n·au– ro it pu expliquer comment, si Jean- François n'avait pm triché, la boulette contenan t Io so– lution du problème a va it pu se trouver entre les mains d'Ernest. Mais parce qu'ils veulent c o·~ner o leur chef cette preuve de confionco, les Cœurs Vaillants no cherchent plus à per– cer le secret du mystère. Et p lusie urs jou rs pas – sent. Ce mat in-là, Roger se trouve seul dans la classe. Chorgé de remplir les encriers, il est en troin de s'acquit ter de sa mission. Ding... L ' (IJIAIE ~ 5 T .SAVVEE .. 81?/Sé f'Atf t 'Ef-rtJI?T • .IA/101/ tftJl/ LE ,1 TEA',fE E JIA#OVI , T-4 t'l/)15 ~ll~t/ L !Jiii LES - O(IV/f/E/i'S A C- COtllU /1 7- . • prends celo, n'est-ce pas Jean- François? tu sois cc que c'est qu e d 'être u n che f, .e t qua nd ça va mal... • M ois le papa s'arrêta net. Devan t lui, b rusq ueme nt , J ean -François vient d 'éclater en sanglots. Et mainten ant , tout d'un tra it, le pet it ga rs livre son secre't : ce terrible secret qui, depuis plus d'une semaine, oppresse son cœ ur, sons qu'il oit osé le confier à personne . Longtemps encore Jean-François et son popa ont ca usé à m i-vo ix et, lorsque l'après-midi le chef· d'équ ipe est arrivé ou Groupe, ses . gor- dong... voilà Io cloche qui sonne. Roger pousse un soupir agacé : le!i élèves vont arriver et H n'a pos f ini. A llons bon ! voilà un encrier qui est tout de travers. Qu'est-ce qui l'empêche donc de tenir droit ? Enervé Roger attrape l'en– crier, plonge ses doigts dons le trou et en re– t ire avec étonnement une boule1te de papier soigneusement écrasée. Maudissant l'écolier d6- ~orore qui prend son encrier pour une boite à ordures, Roger va jeter Io boulette lorsque, tout à coup, il se ravise. Cett e place devant ço'ns ont deviné. tout de suite qu'il y ovoit quelque chose de chongé 1 ls ne se trompaient pas. Cor dès le début- de Io réunion, Jean– F1 onçois o groupé a u tour de lui la Saint-Lou is et lâ Saint -Paul ou grand complet et, d'un air résolu, il a posé cette simple quest ion : c Les gars, avez-vous toujours confiance en moi ? , Un court silence a su ivi ces paroles, un silence pendant lequel on aurait pu entendre boltre à coups précipités les cœurs anxieux des garçons. A lors, d'une voix que l'émot ion loqucllc il est a rrêté, c'est , Io place d 'Ernest Alors, est -cc que par hosord ? Pendant que les élèves s'installent bwy'ommcnt, Roger qui s'est retiré un peu à l'écart déplie lentement Io boulette et, toL1t d'un coup, pousse un tel cri de stupéfact ion que tous les garçons se re– tournent affolés. Le moître vo élever la voix pour gronder lorsque Roger, hors de lu i, se précipite vers lui en tendant, d'une main qui tremble, le mystérieux morceau de pa p ier... IA suivre. > Jean BERNARD.

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