Cœurs Vaillants 1941

V an Hussen, ' le planteur, arrêta son cheval au coude du sentier, inondé de lumière, car on <>vait fait en cet endroit, dans la forêt exubérante, une large sai– gnée. De cette hauteur, sur les premières· pentes du volcan Soméroé, la vue portait à l'infini et Van Hussen se plaisait à em– brasser ainsi d'un seul coup d'œil tout son vaste domaine. Sur la gauche un moutonnement d'arbres; plus bas, les ri– zières en terrasses ; sur .la droite, les lar– ges taches vertes des immenses champs de tabac, bordés au loin par le frémisse– ment lent des cannes à sucre. Derrière cela, une toile de fond infinie, violemment colorée: !'Océan lndi:en. Dans toute l'île de Java o~ connaissait Van Hussen et l'on ne savait ce qui était le plus remarqua– ble en lui : sa valeur de planteur, son es– prit de justice ou sa dureté. • Une équipe de bûchero11s mdigènes é tait occupée à l'abatage de bois de tek lorsque Vfln Hussen déboucha de la sent·e et. ~ la vue du maître, tout bavardage ..:e ssa. Les veux e:ris et métallioues dé- Le 1ila111. w· ai•rtln net sotL c//t vat au dtt~ur dt< sentior... nombrèr ent rapidement les ouvrie rs puis observèrent la difficile manœuvre. Lors– que le grand tronc s'abattit, avec fracas, le planteur mâcha une imprécation, et sa ma in nerveuse se cr;spa sur les rènes parce que la chute, mal calculée, ava it brisé de grosses branches aux arbres voi– sins. Il che rcha a utour de lui, d'un re– gard, le chef d'équipe pour lui en faire l'observation et, ne l'apercevant pas, de– m a nda : « Où es t Thao ? ii. L'un des hom– m es se tourna en direction de l'Ouest : « Là-bas, dit-il, Thao parti, Thao chasser léopard ». Et, de ses deux bras, il faisait le geste d'ép auler un fus:l imaginaire... mais il s'arrêta brusquement, car il avait v u passer dans les yeux du maitre une terr ible flamme de colère. L'instant d'a– près, sur l'étroite piste, à travers les fu– ta ies immenses, Va n Hussen lançait son cheval a u galop pour r egagner son bun– galow. IE « Vme1 ton dû. Prends et dispar ais. J e te chasse. ii Devant la colère froide et implacable du maitre, Tbao, trembla nt, baisse la tête. Ainsi il va falloir p artir. A cause de son abs~nce de ce ma tin et de cette chasse au l éopard sans r ésultat. Il a bien juré de n e pas recommence r. Feine inutile. Van Hussen est resté iné– bra nla ble. Oui, il faut partir. Quitter la pla ntation. Da ns les yeux du vi-eux Thao. des images passent, très vite... Il é tait bien, ici, il a vait gagné la confiance du maître · et hab itait dans le même bunga – low. Il y a dix ans, l'épuisement des fiè– vres avait emporté la frêle Mme Van Hussen. Elle laissait un bambin et Thao ,'.vait découvert au fond de son vieux · cœur une affection san s borne pour cet e nfant. Il avait 10 ans lors<;tu'il l'avait campé pour la premièr e fois sur un che– val, et à p eine tro:s ans de plus lorsqu'il lui avait enseigné à se servir correcte– ment d'une cara bine, car les tigres sont nombreux da ns l' île., A présent c'était un g ra nd garçon solide. Thao néanmoins con– tinuait à veiller sur lui, attentif à t ou s ses désirs. et si, ce matin, il é ta:t allé suiv re. ~usil au poing, ce tte piste d e léo– pard J écouverte la · veille, c'était e ncore p our satisfaire à un capr:ce de E ric. Mais il n e l'a va it pas dit a u maitre de p eur de le faire gronder... C'est à tout cela que pense le vieux Thao et l'idée de se sé– parer de son jeune maître lui broie le cœur. Sur ses joues rudes, deux larmes ont -roulé. Alors, pour ne pas montrer sa faiblesse à cet homme froid et injuste qui le chasse, Thao, tête basse, · descend les escaliers •du bungalow, puis, lente– ment, sans se retourner, il s'en va vers le village iridigène, que l'on aperçoit là– haut, sur l'un des premiers contreforts du volcan. Eric a supplié, lorsqu'il a connu la dis– grâce de rnn grand ami. Mais Van Hus– sen, bien qu'il adorât son fils, n'a pas cédé. Et pourtant, s'il avait pu prévoir.... • Ce matin, le temps est sombre, bizarre. Il y a dans l'ait une sorte d'inquiétude. La forêt est lourdement silencieuse. Pas un chant d'oiseau. Thao, sur le seuil de sa case, regarde, là-bas, dans la vallée , le bungalow de Van Hussen. Tout à l'heure, il a vu le maître en sortir et monter à cheval oour faire le tour quo– tidien des plantations, ces plantations que lui, Thao, ne surveillera pas. Son chagrin d 'hier a déj'à fait place · au fatalisme de sa race. Il va rentrer de nouveau dans son pauvr~ logis lorsque quelque . chose d'inusité attire ses yeux. C'est là-haut, au bord du ci~l .. à la cime du Soméroé. Une fumée blanchâtre et lourde sort du volcan et, après s'être élevée de quelques cen– taines de mètres, s'étale dans l'air, hori– zontalement. Thao sait que cela signifie un redoublement d'activité du·volcan. Plu– sieurs fois déjà, au cours de sa vie, il a constaté ce phénomène et le souvenir de ce qui suivait généralement le fait fré– mir: érupt'.on brutale, nuées ardentes, fuite éperdue des êtres, hommes et bêtes ; sur toutes les pistes, cadavres de buffles qui, dans leur longue agonie, ont labouré le sol de leurs cornes; cadavres de che– vaux · aux pattes raidies. Souvent aussi, hélas ! dans les huttes de paille, cadavres brûlés à demi, de femme s et d'enfants. L es cultures. les forêts anéanties, la souf– france, la misère, le deuil. Si l'éruption se produit, il faudra fuir v ite. Alors, pour oarer à toute éventualité, il selle son ~heval et l'attache à la porte de sa case. Puis, assis sur une natte, il prépare sa chique de bétel. Et, ver s 10 heures du mat in, le drame qu'attendait Thao écla te brusquement . Cela commence par un grondement sourd, t errible, qui semble venir du fond de la t e r re. L e sol vibre sous les pieds. Puis sou da.in des explosions se fon t e ntendre, p ré cipit ées. Le volcan vomit des flammes. U n nuage. noir , sin '.stre, s'ét e nd sur la cont rée et laisse bientôt tomber u ne pluie de cendres. Et par les r avineme nts des p en tes, la lave en f usion comme nce son impitoyable r avage. Thao, dès la p r emièr e secousse, a bondi. Dans le v illa ge c'est une p anique généra le. L es gens vont, v ien nent, courent, se ·bousculent, crient. -Du 2 au l1Février~~~~~' l!I tous le s enfants de notre pays s 'uniront dans une immense p riè r e à Cœur Va illant, que fe r as-tu p our prendre == Notre 0 Dame, reine de France ---- - part à cette neuvaine? Billet de Jacques Cœ ur Chers Coeurs Vaillants, Il y a 83 àns, la .Sainte Vierge apparaissait à une petite Française et lui confiait un important message pour tous les Français de ce temps-là. En ·ces semaines qui vont venir, où les événements peuv.e.nt se prec:1- piter, dont va dépendre .le sort de notre pays, il me semble que la Saini·e Vierge red~t avec: plus de fMce qu'autrefois à tous les Coeurs Vaillants de Fran<:e, frères de l'humble Be.rnadette : " Pénitence, .pénitence, pénitence~ Priez pour les pécJ.leurs », C'est par la Croix q11e le mond.e1a été racheté. C'est par l'effort et le sacrifice, comme l'a si bien dit et répété le Maréchal, que notre pays sera sauve. Ce .n'est pas le moment de ralentir notre êlan. Ne pense2-vous pas qu'à l'e>ecasion de la proc;haine fête de Notre– Dame de Lourdes il y aurait lieu d'organiser dans tous vos groupes une véritable offensive de prière 1 Par exempte, pendant. la neuvaine q ui com– mencera le 2 février en la fête de la Purification pour se c:lôtlU'er le 11 au jour ann1versaire de la première apparition de Notre-Dame à fa G rotte mira– culeuse 1 Void ce que 1e vous propose ·: 1°) qu'à l'occasion de cette neuvaine, tous les Cœurs Va iUant s s'en– gagent à porter toujours sur eux leur · chapelet ; à la manifestation de Fourvière qui groupait plusieurs milliers d'entre vous, j'ai été peiné de cons– tater qu'il n'y avait pas u.n, garçon sur 10 qui pouvait me montrer son cha- . pelet : un Cœur Vaillant a toujours son chapelet sur lui et sait s'e n servir ; 2°) q,ue tous fes Cœurs VailEants s'enya.gent à dire pendant ces 9 jours au moins une dizaine: de chapelet pour l'a France et ceux qui la gouvernent ; 3°} que partout où cefa sera possible, les équip~ se relaient pour dire une autre dizaine ensemble à l'église ·et, pourquoi pas, les bras en croix comme à Lourdes. Confiance: c'est actuellement l'heure de l'effort héroïque dans la prière et dans la pénitence ; ce sera bientôt l'heure de ia résurrection. Thao est r esté calme, quoique ses mams tremblent un peu . Depuis un ·instant, il observe intensément. Ce n'est plus le crà– tère qu'il regarde. Car beaucoup plus bas, juste à l'orée du r avin aux tigres, une fisst.:re s'est produite. De cette blessure au flanc du volcan les la ves en. fusion se précipitent et, e ntraînées par la déclivité très forte du t errain, progr essent avec une rapidité inquiétante. Puis un peu plus ba s, la coulée se partage en deux , u ne partie emp.runtant un couloir de r oche. Et Thao compre nd qu'un ma lh eur terrible se pr é– pare. En effet, de la voillée on ne peut voir tout cela. Bientôt le bungalow sera cerné par le torrent de feu. Et le maitre est parti. Eric est seul. Thao a sauté sur son cheval, lui a zébré la crouoe d'une cinglée de bambou, et la bête, hènnissant de douleur, s'est ruée comme folle sur la pist e qui conduit à la demeure de Van Hussen. • Eric aime te soleil. Lorsque, ce matin, il a vu le ciel si sombre, il a décidé de r este r à la maison. Mais, depuis un mo– ment, une a ngoisse l'oppresse, inexplica – ble. Il va ver s la porte, « Voyons, que se passe-t-il ? P ourquoi cet te chaleur suf• focante ? ce silence a bsolu, pu is ces g ron– dements 'd'orage? Et pourquài là -bas, au loin, ces gens cour ent-ils tous du m ême côté, ver s la mer ? » En deux enjambées, Er ic est dehors. E t devant le spectacle qui se présente à lui, un cr i lu i échappe. Il a compris. Le Soméroé fait encore une fois des sie nnes. Mais jamais le bu nga– low n 'ava it été m enacé de si or ès. Voici que, par les d eu x dé pressions -des r avins qui l'entourent, l'a r dente coulée progr esse, incendiant t out, tor dant les tr oncs solides comme des fé tu s- de paille. P u'.s, obéis– sant a ux accide nts du ter rain, les deux bras de feu t entent de se r ejoin dre. La maison va être en cerclée, le terre-plein peu à peu envahi. P u is la lave a tteindra la · ~onstruction de bois qui s'écroulera dans le crépitem ent des flammes. Et lui Eric ser a là ! Que fair e ? Fuir ver s la vallée ? Il n 'en aura pas le temps avant que le cercle de feu ·se soit soudé. Re– monter ver s le villa ge? En a ura-t-il la for – ce, da ns la chaleur suffoca nte et sous la pluie asphyxia nt e des cendres ? Dans un geste de désespoir , il tend les bras, là – bas, vers !'Océa n. vers l~ la rge, vers l'air pur. • Et le salut lui vient alors qu'il se croyait déjà condamné à une mort affreu se. Cour– bé sur son cheval qui écume, Thao sem– ble jaillir des flammes. Il n 'a · presque pas ralenti sa bête folle. Pench é sur l'en– coluré , t out son être crispé pour soutenir l'effort immine nt, il tend Je bras ver s Eric. Au passage il le saisit, le soulève, l'assied en traver s de la selle. P uis sa cra vache siffle da ns l'air et fait sur la croupe de l'anin1al un large sillon rouge. La bête vote littéralement. L es de ux poin – tes de feu des coulées sont près de se toucher. Thao et son fardeau pourr ont – ils passer ? Peut-être. Oui, ça y est. Dan s un élan , le cheval , déchaîné par la dou– leur et la peur, a franchi le dangereux passage. Il n e r estait .i;ias trois mètres de libres. Qu'importe. Ils sont sauvés. En – core un temps de galop pour se mettr e définitivement à l'abr i. Thao arr ête son cheval dont les pattes tremblent de fati– gue a près l'effort terrible qu'il vient de sou tenir. Il pose doucement Eric sur le sol et met pied à terre. Un bon sourire détend ses traits crispés. Er ic alors comprend l'immense dévoue– ment de ce pauvre homme qui, t raité du– r ement, injustement, a su garder in tacte son affection pour lui. Avec ferveuï.' il ser re dans les siennes la main r idée qui tremble de bonheur, tandis que rayonne le visage du vieux Thao, dont le cœur simple sut oublier sà rancœur et dont le geste courageux fut tout auréolé de cette cha rité du pauvre, la plus belle, la plue émouvante de toutes. HEYFABE. encore nu'.t. Pourtan t est bientôt là. Sur la route, un enfant chemine. C 'est le petit J acques. Son pas est vif et décidé, mais son visage est triste. Et pendant que le ch.emin s'éclaire, aux pr emiers r ayons de l'aube, pendant que, pas a prês pas, Jacques se r approche de la ville, son cœ ur inq uiet r evoit la pet ite maison qu'il vient de q u it – t er. La pet'.te maison autrefois si pleine de chansons et de gaîté et qui riait a u passa nt a vec le rir e frais de ses rideaux roses. Ma is depuis q:i'au pays, le G rand Victor est arrivé, r ien n e va p lus. Oh ! ce t homme ! R ien q ue d'y penser Jacques serre les poings. E t pour tant non, il n e faut pas. Une petite phrase tant de fois entendue r ésonne en sa mémoire : c; Même vos enne– m :s >i••• Oui ! mais c'est dur . lil Le malheur est entr é avec Vic– tor dans la m aison. Il est venu un soir chercher le père, pour faire une par tie de cartes. Et maman n'a pas osé r efuser au dur ouvr ier , ce délassement. Mais dans quel état est-il r entré ! Jacques n e l'oubliera jamais. Le lendemain le grand Victor est revenu. L a mère a voulu s'oppo– ser gentiment à cette nouvelle sortie, mais de ses yeux bleus cruels . l'homme l'a longu ement regardée et, sous ce regar d hai– neux , les doux yeux noirs se sont baissés. Maintenant le Gr and Victor n'a plus beso·n de venir. Le père va de lui-même, dans la salle basse et fumeuse où l'on joue, où· l'on discut e, où l'on boit. Et lui qu i, a u trefois, regardait par tir en sou – riant son fil s et sa femme pour la petite église (sans les accom– pagner, h élas!} ne cesse main– tenant de ricaner et de se moquer de toutes ces « n iaiseries >L t:AN-FRANÇOI Chef ···~· -<:-· . "• -'~'"":. /" tl~ A tous pr opos, dans la pièce ~ ~ ·.~ misérable - le père donne si peu · -. !'Abbé, mon petit, il le faut . je m'en vais ». d'argent - éclatent sans ra:son des dis.eussions, des disputes et l'autre jou r, pour la pr emière fois, l'ouvr ier a battu son fils... lui défendant d 'aller a u catéchisme ! • La ville est là. Le jour dore les façades clair es d es maisons. J acques se h ât e, car a près la mes– se mat inale, l'Abbé lui a dema ndé de venir pour lui donner les le– çons de catéch isme qu'il ·a man – quées. Heureusement que ce bon Abbé est là qui le plus souvent possible r emonte le courage dé– failla nt du pet it gars qui se lasse et par fois de fatigue laisserait tout tomber. - « Mais, Monsieur l 'Abbé, il n'y a rien à faire. Le père est de p lus en plus en colèr e contre nous. Il d'.t à maman que c'est elle qu i m e dit toutes ces choses, que c'est des affaires pour les femmes. Et qu and je lui dis que je cr ois à ce Bon D ieu q u'il raille il rit, il r it... Père, l'autr e jour, il m 'a batt u... i> De grosses lar – mes coulent sur le petit visage pâli, dês larmes de honte et de désespoir. - « Allons, mon gars, es-t u un homme, oui, ou non ? Mons!eur l'Abbé a pr '.s dans ses mains, les deux mains de l'en– fant. - « Jacques, r egarde Ce– lui-là sur la Croix. Tu sais ce qu 'on lui .a fait ? Tu sais ce q u'il a accepté? Est-ce que tu ne peux pas souffr ir un peu pour Lui? ii Les yeux du petit gars bril– lent de nouveau. Une fois de plus, près du prêtre au cœur brûlant de charité, J acques a re– pris courage. « - Ah ! ça va mieux, Mon sieur l 'Abbé. Et j 'es– père qu 'à la fin, le Bon Dieu nou s récompensèr a en nous r endant Papa. Sur la r ou te éclatante de soleil, Jacques r evient. Son pas est tou– jours alerte et vif, un sourir e mystérieux détend son visage pen– sif. En cachette le prêtre est venu. Il a donné à la pauvre femme la ~~~~ force de tout abandonner au Se i– lé gneur et de pa rtir ·sans a ngoisse, """..,._,.. en laissant le petit seul désormais Usée par la fatigue, le souci, la peine, la mèr e de J acques est tombée gravement malade. Com– me ces vaillants qui ont voulu lutter jusqu'au bout, elle ne s'est arrêtée que lor squ'il é ta'.t trop tard. L e Père donnera-t-il à la mourante la joie de voir cesser pour un temps ces sorties quoti– diennes? Adoucira -t-il par sa pré– sence ses dernièr es soirées ? Non. Les réu nions sont de plus e n _plus fréquentes, ces réunions d'o ù l'on revient toujours plus aigri, plus violent, plus excité. Et parce que les hommes sont nombreux à fréquenter ces lieux empoisonnés, le péril lentement grandit dans le pays en fièvre... • De son pauvre lit, la mère regarde la chambre. Un sourire éclaire un instant son visage dou– lour eux, Jacques fait tant d'ef– forts pour garder la p ièce p ro– pr e. Mais une maman ne se rem– .place pas ·et le pauvre petit ne peut q u'apporter des fleurs pour égayer u n peu et parer l'austère nu dité de la table. Un spasme étouffe soudain la malade. D'un bond, Jacques est au pied du lit. « Va me chercher Monsieur a vec son mari. li Un mois plus tard, la guer r e civ]e éclate. Et comme toujours, la per sécution suit de pr ès la révolte. Traqués, les catholiques se ca – chent. J acques peut voir de temps en temps l' Abbé, mais son père le guette et sur veille de plus en plus ses moindr es sor ties. C'est au matin d'un dimanch e d'été. J acques est de nouveau sur la petite route qui va de sa mai– son au village. Arrivé devant l'église, il hésite, s'arrête. Il va entrer. Il a beso'.n de cJire un mot au Bon Dieu et de voir ce qu'ils ont fait. Sa main s'appuie sur la poignée quand tout à coup, une voix ricane derr ière lu i : « Eh ! le gosse, que vas-tu faire? - J e vais prier. » Ins tinctivement l'enfant a croisé ses mains sur son cœur. Un coup de feu dé– chire l'air. Jacques tombe. Le même jour. son père passe pa r là avec des camarades. Tous s'approchent du cadavre en chan– tant et en se moquant. Soudain le père a un sursaut d'horr eur : il vient de r econnaitre son en – fant. Alors une r age folle le sais it. C'est Dieu qu'il accuse de la mort de son fils. Franchissant le cor ps de Jacques, il pénètre dans le sanctuaire désert. La petite lampe ne luit plus depuis long – temps déjà... les stames sont mu – tilées... Seul, un immense Chr ·st reste intact derrière l'autel. L 'homme ramasse un marteau qui git à terre. Sur son visage cris– pé la haine a mis son r ictus : farouche, les dents serrées, il :wance droit sur la gr ande figure crucifiée. Le voici. près de la Croix. Il s'a r rête u l'le minute, une flamme :nsolente dans les yeux. Mais au .- - ~'''.:~ . _,.. ~~;~~'...-· ·-- ~··~_.:_ ..;.~..;. · ...... ..__...;;;..;,: moment où l'homme sacr ilège lè ve le marteau vers son Dieu, un rayon de soleil éclaire le visage du Chr ist. Et ce visage est si plein de douleur et d 'amour que le malheureux laisse tomber son out il. Saisi, il fixe avec intensité la tête expressive dont le regard est si m'.séricordieux. La paix de l'église profanée J'enveloppe d'un manteau de dou– ceur. Il se retourne, voit la tris– tesse de ce lieu de pr ière, un étrange souvenir monte soudai– nement en lui : celui des Noëls lumineux et chauds d'autrefois dans une église parée par tous... De nou veau, l 'homme fait face à la Cr oix. Le sole il illumine toujours le v '.sage qui semble apaisé. L 'AMOUR E ST PLUS FORT QUE LA HAINE. Des larmes de repentir, brû– la ntes, tragiques coulent sur la face blême du malheureux. n sort, prend son petit dans ses bras et va le coucher au p ied de l'autel. P uis il part en courant comme un fou... Monsieur l'Abbé vient de ren– t rer d'u ne de ses épuisantes tour – nées de ministère, ces tournées pendant lesquelles il r isque sa vie à tout instant. ces tournées pen – dant lesquelles il faut toujours être aux aguets... Soudain, il tres– sa :lie. Des coups sourds ébran– lent la porte. « M'sieu !'Abbé. M'sieu !'Abbé. » Il semble au prêtre qu'il connaît cette voix: il va ouvr ir. Devant lui se dresse le père de Jacques. L'abbé a pâli en re– connaissant le meneur, sans dou– te. vient -il l'arrêter... Mais l'homme s'écr oule à ses pieds... « Pardon, Père... » Le sacrifice de Jacques n'a pas été va in... Marc LABAROLLE. • Jea n-François est d'a bord resté que lques mi– nutes à se frotter les ·yeux avec énergie pour bien se conva.ncre qu~I ne rêvait pas. Et puis, il s'est penché très bas sur Io neige et s'est mis à suivre pas à pas les empreint es que les gros souliers ferrés de Raoul ont laissées sur le sol durci. Pas d'erreur ' Là, en plein m ilieu du sent ier, les t races cessent brusquement. 11 y a une sorte de remue-ménage bizarre, un peu comme si on avait fouetté Io neiqe avec une baguette pour tout effacer. Le chef d'équipe est de plus en plus intrigué. Que Raoul oit cherché à b rou iller sa oiste, cela n'a rien d'éton- nont s' il craignait d'être suiv i, mais, lui-mênle, alors, où diable a- t -il bien pu passer ? Un à un, Jean- François inspecte les buissons. Tiens, com– ment se fait -il Que sur ces bronchesClà il n'y ait plus de neige ? On dirait qu'on les o. secouées en passant ! Sans foire de bruit le Cœur Vail– lant écart e les t iges. Derrière le premier rideau de ronces, une sorte de t rouée a ppara ît tandis que les traces de souliers reprennent de nou– veau, nettes et régulières. Confiant dons l'ef– f icacité de sa cachette, Raoul n·a plus jugé nécessaire de continuer à brouiller sa piste. Or, cette conduit certainement à un lieu noire, bé a nte, sinistre .. rochers, Jean-François marche jurqu'à l'entrée peu, · il vo pouvoir. . Une sorte d'angoisse crispe les nerfs du Cœur Vaillant, son cœur b ot à grands coups dons sa poitrine et, dons le silence lourd , il lu i semb le que ces battements vont se répercuter en bruit de tonnerre à l'intérieur de Io grotte. Une immense envie de fuir, de quitter ce lieu, le prend tout à coup. Mois non, voyons, c'est de l'enfantillage. Résolument, Jean-François fixe l'intérieur d e Io grotte. Ses veux · mainte– nant se sont un peu habitués à l'obscurit é. 11 semble que des ombres se profilent sur Io masse gris-noir des rochers. Voyons, combien sont-ils? Un... deux... trois.. Trois... ils ne sont que t rois dans Io Grotte Noire ! Jean- François pousse un soÙpir de souloçiement Si Raoul n'a que deux complices, le mol est moins grand <;u'il ne le cra1gno 1t . 1J est vrai qu' ils ont l'air f ameusement costauds ces gars-là... Qui peuvent -ils bien être?... Les vo ix dons l'ombre co ntinuent leur d iscussion : u Je te dis, moi, que Paul est allé reconduire Lucien cc soir jusque chez lui. On n'a qu'à l'attendre à Io sortie du bois et lui flariqucr une bonne correction, ça lui apprendra... - Pis a près ? t u n' les connais pas ! .C'est pas sa qui les e mpêchera, a u contra ire ! Jean-François qui ne perd pas un mot de Io conversation a sursauté. Cet accent légèrem ent zézayant, il le reconnoît roit entre mille. C'est Dédé, le Qrond Dédé, celui qui est dons Io classe de Daniel Lourent, le chef d 'équipe de Io. Saint- Pie rre. -- u Ben quoi alors ? re9rend Io voix mauvaise, t'es né dégonflcur, pas possible ! Si t'as peur des Cœurs Vaillants, t 'a qu'à le dire tout de suite... - Peur des Cœurs Vaillants ? t u VOS voir r•.• 1) La d iscussion, ou quart ier généra l des XxX, a l'air de s'envenimer... Mois depuis quelques m inu tes déjà, Jean-François n'écoute plus. Sur son incommode perchoir il est devenu subitement très rouqc, puis t rès pôle, et main- renant, il se p ince furieusemen t le nez tono 13 4ue wn cœur, de 1iouveou, bot un rythme d'alerte. Ça alors. c'est Io 11uiqnc 1 •• Une for– midable envie d'éternuer vient de pre nd re notre petit gars qué le froid humide de Io caverne c t ra n si peu à peu. Grossi par les échoc; de la crotte. le bruit va alerter Io bonde des XxX, Jean-François n'aura pas le temps de se déga– ger... les t rois oorçons seront sur lui en moins de dP.ux... Non, non. il fout à tout prix· éviter ce drame... CA suivrc.l Jean BERNARD.

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