Cœurs Vaillants 1941
E FEU DEL NNEUF 1 / ~· Dans la grande p1ece rustique du chalet de montagne, la fumée des pipos tissai't autour de la lourde lampe de cuivre un onduleux ré seau ble uâtre. A travers les vitres do la fe nêtre basse on apercevait un coin de bois, sile ncieux, ouaté de noigo, étince lant sous la nuit claire. Quatre jeunes hommes, assis sur les tabourets de chê ne, fuma ient lontoment. Une bûche embrasée craqua dans la cho· minée do pierre et l'un d 'eux, Christian Bray, sortit d e sa rêverie : « Au dia ble les gens mo· roses, fit-il ; résumons nos souve nirs. Il y a un an. jour pour jour, le 31 d écembre, nous étions là-bas, dans l'Est, les pie d s dans fa boue gla– cée et les ye ux au cré neau. Nous nous é tions promis do nous réunir, au Jour d o l'An suivant, si nous ra monions nos os d e cette tragédie. Eh bie n, nous sommes là, tous les quatre et bien vivants l Au lieu de rêvasser, cherchons une idée g a ie. Toi, Ract, en a s-tu une 1 ·- Non 1 Et t oi, Joy 1 - Non plus 1 Et toi, Vornay 7 - Pas d evanta ge 1 Alors, voilà ce quo je propose. Nous i;.a r– lons t ous les quatre, sac au dos, ca nne ~u poing. Il est huit heures du soir. A minuit r.ous pouvons âtre a u sommet du Prorel, à 2.600 mè tres. Là-ha ut, nous ~llumons un fe u pour fêter !'An nouvea u. En redescendant r.ous allons fa i~c une visite à Notre -Da me dos Neiges. Et o:i re vie nt ici au petit· matin. Qu'on dites-vous 7 D'enthousiasme l'idée fut adoptée. Joy fit remarq ue r : « On d evrait pe ut-être pre ndre un guide, n'oublions p e s qu'il fai't nuit. » - Bah, d it Bray, une nuit sembla ble , c'est presque le jour. Et il montrait ra fonêtro écl<i– lanlo do neige sous le refl et d os étoiles. En ava nt donc 1 Et gaime nt on boucla los sacs sur lesquels on att.:icha un polit fa got- d e bois sec pour le Fe u d e l'An Neuf. 0 Le petite carava ne montait d'un pas calme et sûr da ns la nocturne beauté d es choses. La. neigo, élast ique, crissait sous les lourds brode– quins ferrés. Le s quatre hommes se ta isa ient, ménagea nt leur souffle, e n montagnards ave r– t is. De pu·is longt emps, ils avaient d épassé la limite des d erniers mélèzes. Sous le c iel d e velours sombre, étincela nt d 'étoiles, il n'y avait plus, a utour d'e ux, qu'un infini tapis bla nc, scintilla nt de mille g emmes. << Que c'est bea u t out cela, dit Vernay. Et sa voix étoit basse, comme s'il avait craint d e troubler l'extraordinaire sile nce de la nuit sou– ·r&raine. C'ost aprè s a voir dé pDssé Io promontoira où veille la petite chapelle de Notre-Dame des Noigos, que les e nnuis comme ncè re nt. Tout d'abord, quoique chose d e gris, qui rampa it a u fl a nc d es crêtes voila un à un les astres et l'o bscurité d evint très d e nse. Puis, brusquo– mont, au tourna Rt d'un mamelon qui domina it un rard e glacis, lii brume enveloppa d'un seul coup la cara vane. Une d e cos brumes é paisses et lourdes dont la mont~gna et la me r ont le dangereux secret. r:t Bray pesta e n constatant qu'il ne voyait presque plus sa main au bout do son bras te~du. Arrêtés en pleine pente de ne ige durcie, ils tinrent conseil. Redescendre était un danger réel. Continuer ;; monte r ne ,dlait guè re mieux. « Tu avais raison, Joy, dit Ract, nous aurions dû prendre un guide. » - Oui, dit Vernay; mais il faudra it un guide capà ble de voir clair dans c otie obscurité, et il n'y en a pas, à part Dieu 1. . ~ freine r chute. Mais La pointe d'acier ne mord semble l'attire.r. Ract, cependar.t, n'a pas perdu son sang– froid et lutte de toutes ses forces, sans un mot, les d e nts serrées. La pe nte s'accentue te rriblement, la vitesse augmente. Et le mon– tagnard disparait dans le noir avant que se• c 3marades a ient pu t enter un seul g est e d e secours. Le souffle coupé , ils restent immobiles, stupides, pendant plusieurs secondes. Des se- Son Eminenc e le Cardi n a l GERLIER écrit aux Cœurs Vaillants de France... tl p1"'""""~·~ WW!u$ AW? + ~<r» . I /~y,~ ; vf7 - /J_ t ( ,( ~ """"' ~/A-<."2..-k CsL ~(Ùül~ Jt auvc:tb_ / ~ ~/.,._e_a._ ~ ~!' 6'~ &_~da_ Q.A..f.h, ..J- /~ ~,,,~ h Ç"1 a~ k 2~ ]),é_.._ ~ ~ & r-z:cC, ,,,_ ~ ""!,i;_ .JJAAtc.. I ;' ~'~ d ~ 4-, A-ri ciu,, ~ 11 c~ r:;, ·//a,.,t;- 11 d. a..... ~ el~ l' .t;Ii; (/ah. ~ ~if'"-" -t-"-f, ,, d.. eç..la...Q_ / "'-"- l<....oCLd ~~ ~ e......7( ~~ 114'~ p.' ~ ""'~ r d. ~ r·~ r~ / J-c.&. ~ :t•f~ ~iJ~· r e-1.~ ~ ~f.-fa.J- 7o-c.u.-·~ U.;~ · 4 ~~ tr.:; ~U-û.~~. -1- r:~ i<~ ;;~~J~t7· ()A~'l(JJ. ;.. r - - Bah 1 interrompit Bray, on ne risque pas gra nd' chose. C 'est sûreme nt une brume passa– gè re ; contlnuons. Rad est a n tête. Il ira dou– cement et nous ma rchero ns d a ns. ses t races. Oommage que nous n'ayons pas de corde, l'en– tr'aid e serait précie Ltse... Et ils se remirent en ma rche , lentement, en aveugles. Ract, deva nt, t â tait la ne:ge de sa, canne , puis assurait son pied d'un sec coup de jambe. Dans les trous laissé s pa r son pas· sage, chacun à son tour posait ses pas. L'asc ension continuait .•. Et soudain, c:est l'événement grave, impré– vu, fulgurant. Ract qui avance a vec peine sent le sol ma nquer sous luoi et g lisse sur la pe nte. Crispé , il essaye de se cramponraer, ma;s ses ongies n'e ntame nt pas le dur verglas. D'un coup de reins il se retournd rapideme nt sur le dos et la ca nne sous l'aisselle ga uche tent e da - condes q ui paraissent des heures. Comment se terminera t·a tragique glissade 7 Qu'y a-t -il au bout de la pente gl'acée 7 Ils ne le save nt que t rop•.• Au bout d e la pent e, il y a un t errible surplomb de rocher au pie d duquel ils sont passé~ tout à l'heure. Si Ract ne peut s'arréter à temps, ce sera la chute brusque, vertica le, mortelle. Tous les nerfs tondùs, ils épie nt dans le vide un bruit indi- cateur, un cri 1 , Puis Bray n'y tie nt plus, et à pleins poumons il a ppelle : « Ract, Ract )). Rien ne répond . Alors t ous trois unissent leurs voix. Et soudain ils tressaille nt. On dira it qu'11n a ppel est par· venu jusqu'à e ux, mais dans l'épaisse brume, tous les bruits parais~ent assourdis, étouffés. Penchés sur Io gouffre, ils écoutent. De nouveau le cri ret entit, plus proche , di– rait-on, plLls proche e ncore 1 Et lorsqu'ils com· · prennent enfin les mots prononcés, le poi'ds qui les étouffait disparait d'un seul coup. .Car c 'est maintenant une phrase haleté e , mais joyeuoe qui leur arrive. (( Ça va, les gars; j'ai dû dé· vale r a u moins quatre-vingt mètres. Heureuse– ment, il y ava it au bout u:i replat de pou·– dreuse, sans q uoi je fa isais le plong'eon. C on– tinuez d 'avancer, je remonte p.ll <' fa gauc he. Il y a des rochers et de bonnes prises... ll Ract, essoufflé, les manches d e son chandaii e n loques, les rejoignit e n effet un grand mo– me nt après. « Tu n'a s pas d e mal 7 demandèrent-ils tous e nsemble. Et leur voix tremblait d'émotion c.o nt e nue. « Non, rien, pas une égratignure, mais j'ai cru que je ne m'arrêterais pas à temps. Si je n,'ai!Tiais pas t ant la mont ag ne, je lui d irais des sottises. En avant, ne restons 'pas là , l'endroit est insalubre ... » l:.ongtemps e ncore, il's mPrchèrent ainsi et le tra jet d evint de plus en plus d ifficile. Sans nul doute ils s'ét ai'ent é gllrés. Enfin, bloqué s sur une é troit e cornic he, ils s'ap.prêta ie nt il faire domi· t our, lorsque le vent s'éleva, léger d 'abord·, puis pl.us violent. La brume brassée tournoyait au· tour d'eux. Soud'ain, Ract s'écria : « Le voilà le g u1do qu'il ·nous fallait 1 >l Et son bras tendu mo n– trait un coin du ciel· dégagé où brill'ait une const ellation. - « Le Gra nd C hariot, l'étoile polaire, le Nord ; voilà la direction ; nous a llions carré– ment à l'Ouest si nous avions continué ainsi, nous ne se rions pas a u bout de nos peines. Et guidé e pa r l'étoile salvatrice, la caravane, changeant de direction, se remit e n route avec une nouvelle ardeur. Parfois, l'étoile d ispo· raissait, cachée par les brumes. Leurs yeux ia c hercha ient alors avec une sorte d 'a vidité. · Puis, elle revenait, plus éclatante ; sembla it– il, e t, dans le cœur des hommes. montait, petit il pet it, un étrange souvenir : celui de cett e a utre marche ,', l'étoile q ue fire nt autrefois, à travers les d éserts d'O rient, les Mages chargés d 'or q Lti cherchaient l'humble crèche> où vena it d e naitre le Sauveur du monde.•• 11!1 Pas à pas, l'étoile menait la petit e carava ne 1usqu'au sommet. Et lorsque, de bout sur fa cime où l'air cinglait, plus vif et plus pur e ncore, ils se retrouvèrent, tous quatre, a u terme de le urs angoisses, une joie inte nse gon– fl a t out d'un coup leurs poitri nes : la je~ forts des difficultés vaincues... la joie plus humble aussi d'avoir trouvé à temps le guide imprévu q ui avait pallié a ux fatales consé· q uence'' de leur imprude nce. Et bientôt, les a iguilles des montres indiquant minuit, Bray approcha une allumettre du foyer rust ique qu'ils venaient de pré parer. Dans la nuit sombre, la flamme s'éleva t out d 'un coup, haute <>t claire, au-dessus d es vallées, symbole vivant de l'An nouveau qui verra renaitre, lu– mine use et forte, une France neuve, surgie d e notre vaillance ot de notre ferveur. HEYFABE Toi qui es prêt à faire ro tre formidable a scension, ne te mers pos en retord... Cest tout de suite qu'il faut commencer. Chaque semaine, je te donnerai des indications précises pour l'étape en cours ; choque sema ine il faudra que tu notes les aventures de Io route et les prouesses que tu auras réo:isées. Si tu f o·is partie d'une équipe, inscris tout celo sur la corte· mura le que vous allez construire ensemble. Cette carte, vous l'agrand ire z 5 ou 6 fois (vo:r page 5 m es exp 11c.at1ons J en un t rocé schématique, c'est -à -dire un dessin où il y a ura seulement les contours de Io montagne et le tracé de Io piste. Choque semaine nous illust rerons ensemble une des étapes. Mois si tu- es t out seul, il est bien entendu que tu fois quond même l'ascension avec nous. Le n·est pos sur une corte mois sur un joli cornet que tu noteras tes aventures. Pour toi aussi, il y oura un concours et ;ê signerai moi-même le carnet du gagnant. Afars, m ets-t oi vite à l'ouvrage. Sur Io première page reproduis en petit Io belle montagne avec S€.s é tapes. Puis, sur Io poge suivonte, tu dessineras le chalet des guides, tout comme tes petits frères des groupes (li5 plus haut ce que je leur d is à ce sujet> . Aujourd'hui, por exemple, nous nous occuperons du Guide. 11 y o un chalet à Io croisée des routes, c'est le chalet des Guides. Reproduis-le en carton ou en popier fort (en bois même, si tu es très colé l et colles-le à so place sur la ca rte. Des guides sortiront de ce cha let. Nous n'en prendrons qu'un seul. As-t u deviné son nom ) On le fêt e justement a u jourd'hui. Marque- le su r t o carte avec, si t u ve ux·, u n d essin qui repré– sente le guide et une petite phrase qui célèbre notre déport pour l'aventure et Io dote de ce déporf. Soigne bien tout cclo, petit frère. Il y ouro -sûrement un grond concours de certes entre les équipes de ton groupe. 11 fout que cc soit Io t ienne qui gogne le beou diplôme offert par le Centre NotionoL Vous y ~tes tous ? Alors, en avant ! Nous allons foire ensemble des choses magnifiques. Et si, en cours de route, quelque chose vous tvocosse:.. si vous avez besoin d'u n conseil, d 'une aide, d 'un secret de mon tagnard, n'hésitez pos à m'écrire. Je vo"s. répondrai personnellement, ou même, si vos questions peuvent intéresser les outres Cœurs Vomonts, dons les colonnes du jouvnol. Si je suis en montagne, Jean Bernard me tvonsmelltro vos lettres et je lui il'élô– phoneroi mes réponses. Ainsi, ensemble, nous nous sentirons plus unis pour IC! voulle. L'ALPIN ISTE. ,. !Regru'de am peu cette montagne. Sentiers escarpés, pnstes abruptes, orages, avalanches, rien in'y manque. Cewx qui ll'escaladeront seront de famell!X allpinistes ! Ceux qui ll'escallard!eront ? Mais c'est nous, c'est toi. petn~ frère, cair ensemble, nous allons coma meillcer, ce trimestre, Ra J?!w formidable ascension qwi soit : marches de nuit, glissades vertigineuses, ll'é~abllissemen~s J!)érillleux, llllous connaîtrons ·~outes Res joies et toutes Res angoisses de la grande mon– tagne. Now; serolllls de ceux qui, lla flamme dans les yeux, se sentent soulevés par U' enthousiasme des difficult és vaincues et des sommets conquis - de ceux «nuii décoUliVl'ent, à for~e d'énergie, le vrai, Re rude bonheur réservé aux vailllants. Nous ne monterons pas seuls. Pour une ascen– siolill pareiUlle, il faut un guide et nous en aurons un, le pllus chic, lle pllw; sûr, lle plus expérimenté qui sont. . Tout Re llong de la route, il nous aidera, parfois invi.silble , mais toujours avec nous, malgré le brouiR!a.-d ou la tempête. Et ce sera souvent la recherche difficile mais passionnante des messages qu'il aura cachés pour nous aux hasards de la route.•. Une ascension formidable, petit frère... la grande aventure... cdle qui fera de nous des gar– çons !l'obustes et virils, avides d'idéal rude et de force joyeuse ; des garçons à l'âmè ·fière et au cœur vaillant. Tu es des nôtres, n'est-ce Alors prends ton sac, ton L ' Alpiniste. pas? bâton et en route ? l~s plus chic~ éfBpes ~onl c ell~s qui ont éff /e5 plus rud~s. De la terrasse abrupte que rosit le soleil levant. la vue esl magni· figue... un carillon monte, joyeux de la vallée ... / Nous sommes tout p rès du but ... mais des nuages c;achent le sommet C'est la dernière étape, la plus rude. la plus belle... """'~···-" Et pour nous aider à le franchir, le Guide en grand mystère. nous C·Î nfie un secret .. · - son secret d'alpiniste/ ,,.,.-•u•~• .,...... /"" __ ;~~.:~ ..,\,.-...,, /,..i @ J..:-:.:.... -~.: Ce tte fois. ça va mal. Un orage tcrribleu - éclate sur la monta /J gne. la pluie cingle les éclai s brill~I. / Au loin retentit . •' '1,' ... \ J . ' ' ~ '". ~' / / g rondement m ~ çanl des avalonc~ ?'( ( ( L 'équipe vôl·t·e succomber? S'allége r ne pas. •Pour atteindre le sommet p erd u d 'l.ns les nuages, il faudra a voir les muscles souples le cœur solide Le g uid e a d ispar u ! La piste est presque invisib le sous la reige ... la nuit tombe... · on a faim, on a froid.. O ù col don c l'abri ? Un en a reten1i dans le silane des ~ Alpages.... .J C'est Jacques qui est tombé . . . Toula la cordée se précipil<> p our l u i port e r · F A BRE)"SSE ,
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