Cœurs Vaillants 1941

Ils é!aient s ix p e tits ga r c;o n . q1ti s't·n allaie nt d ::in s la c'1mpn;~ne, , ~ c. :iux lt! vres, u n e ch a n son, l"c P'-'r~1 nc-.., p.our compagn ... L e premie r s'a p pela l Be rn rd . et c dPux ièm c Jea n -M a r!e. L e !roi ï •c>nll' a v:1:t nom Gustave : le q u ritnèmc s'·qJpPl:i,t Guy. Le c inquième se• n mm . i t 1 !ubert Et !<' dern ie r, c'était R obert. Ils Cil'1 i ' nt le long dc:s ch•·mi n~. en >C tenant pa r la ma in, et chanl·rnt leur joyeux r e frnin ... Mais t u t à coup ils ~·a rrêtèn n t . c n bordure des champs et d e s pr1';: l i y a va it cles prim e v èr e L e so le i l i c•ndait w ut doré. n paysan leu r (;rt;J . -- Ohé '··· a v nn cez ciol!c un p eu •... l ls firent t u s ver s lu i qm~lque:: p i.!;:. Le ciel étn it d 'u n joli ble u ... - Ave moi vene z !a l>uur er... A lo r s B e rna r d ~·;:ipprocha , " sépa r nn l de ses :im is, e l l ~ ur d it : J'ni trou vé ma \'Oi ' ... Pa rtez ~:ms mo i '··· lis s "élo igu · r c n t. e t il r e ta , la te r re fé on d e. Au p lu:; horizons. t\1ul c la n a ture ~~~t~r,,.;.;-<] / )fllJ 'l l/11 , ol rn cl't tl/CI . rm ltOllllltt'- fl'OJIJJOll SUI l't:llCl ll lllC ...Ils Lta i n t c inq petits garçon: , q u i '"' n a il ic nt dn n la camp agne. a ve c. u 16v res . u ne chan so n , e t l'es p éra n e o u r ·0m p ugn ... 0 En é!pµrocha nt d'u n cla ir vi ll::i1•e ils pl'rçur nt u n g r 0 n clem e n t, un brt~ il d e t unne r r '. un U1p:ig e . f!Lll les fi5 c.;1 là , pr ompteme n t. Puis , ils vi r e n t d e g r ancie5 fl:1mmes h u v es. d e la fumée, d s "l n – CL!l l s , du fe u r u ge e t d u feu mauve, dl s flamrn 'ch es Pn rï ;1mbelles !... Enfm , d ans un potin d'e n[e r. i l~ v irent u n homm a u torse nu , frapper r ci11'!ume. t ordre le f. r , jusqu .. i la porte u r la rue... -- Holà '·· j e s u is le forgeron ... Q ui v u t entre r d i1ns m a m :iison ?... J ean-M rie se d"cida , errant d es m a ins autour d e lui : - A u r evo ir. l e s gars!... Il m it un t a b lier d e c uir, affr o nt a le feu r oug e oy a n t; p our lui ne devait ()Oint fin :r, la ronde belle des é t in celles; son avenir... ...Ils étaient q u ; l re petit g::irçon s, qui s'en a !la ieril d :ins la c:impag ne. ave c a u lèvr es. un chan on , et l'es p érance pour compag ne ... S ur la gr::i nd'pla c d u v illage était un Elles voua réservent cette aon.ée l a plus sensaHonne lle a v e n ture qui soit! 8 N ucoup d"enfre voui :3~n ironl au loin porfc11r.5 d "un .. ordre de mission ·· mys lr' rieu.t, .. ras~cml>lcment, e t les gens tendaient le vi:; gc, souriants et se bou sculant. Dans le_s j u p ons d e le urs mamans, tous les bam b ins trépigna ient, et l 'enthousiasme g ng ri;;it les hommes les plus sérieu x , vr a:– mc.:nL c 'ar c'était un jour de foire, e t d e tc•u s c1Jtcs les m archands sollicitaient la cl ie n te le à g rand renfort de boniments. va nta nt des prix à n'y p as croire '··· Gus– ta ve· fu t au p r emier rang... L h o111 rnc \·c ncta tt d es couvertures. d es p ri~ccs de toile o u de Jin, c!es d rnps, d es orf' llt'r ' . d t'' mouchoirs fins, voir" d es éùrPdon~ de satin. Et quand Gustave put 1 'aµ prorhfr. il lui dit : Tu p<H"fUS gentil... Veux-tu d evenir mon c:omrnis?... J e vou s quitte aussi, les a mis!... la n – ça Gus tave, tôt décidé. Je vais entr er d, ns Je négoce , et ser ai vite achalandé ... L es trois autres r epartir ent sans lu:. ... 11 ~ é taient trois peti~ garçons, qui s' n a ll~ ient d a n s la campagne, avec, aux lè v res , une chan son, e t l 'espérance pour compa g ne... Cepen dnr L Guy r e stait rêveu r , le s yeux lo intains . J· m ine grise. I l supp utait tout ~on bonhe ur, dépassant la pel it e église, et ga r da it u n air ùe mystère, v r s Je jar – d "n d u pr es by tè r e. L, bon curé ou vrit sa porte, d è s q uïl fra i pa, et l'écouta : - J e voudrais d evenir abbé, serü r D ieu , soulager mes frères. et me p encher ~Lu· Jes m isères du pauvre m o nde ... Oui. 1e -vPu x ê t r · prêtre un jour , êtr e celui c,ui con o ie. qui aime avec simplicité e t o u ·on salue d e la fenêtr e, et qui la bonne pn ro' e apport(', modestement, de porte en port e ... - Viens près de moi , lu i d i1 !"a bbé. Et il ouitta ses camara des . qui s"é loi– gnèr e n t, tout d oucement, de ce vi llage d e poup e qui r e s e mblait il un jouet avec <:(:S v ie illes maisons g r i se s. sa grar d'place, ·:i p e tite église , son puits mou ssu . ses ruelle- exq u ise , - de ce v illa g e d e la a X.• ..Ils (ai~ n t deu x p e tit s ç arço n s . qui 'e n a lla ie nt dans la c::nnpagne . a ec, a u x 10v r cs . une chan son , e t l'e spé r ance pour c m pag ne. • Ils oarvmr e nt a insi ::iux portes d "u ne ville g rou iilante et t umultue use . d a n s u ne vast e banlie ue aux faça d es lé r e uses d'où m o n ta i nt ve rs le ciel d e s cheminée s rl u s ne. Ils é taient a "'so u rdis par d es Cl)Ups cie s ifflets . d e lona:uu: vibration s métalliques...· Et !"on voya!t partout rouler d e s w · gonne ts ... Hube r t d it. comme u n e s u pplique : - Mo i. j e veu x ê tre in~ nieu r. tracer des t r a its d d es esqu isses. tir e r d es plans u n p eu sav:mts. aider .1 con struire des m ;ich m e s. Tu peu x t 'en a l ler plus a vant; je reste là; o n m 'y atte n d . A moi, l'u sine !... Tl dis parut dans un bureau , à l'o rée d'un grarid bâ timen t. Robert. le cœ ur un peu g r os, se trouva s e ul. ass u r ém e n t. ...11 ét a it un p eUt g arçon, qu i s"e n allait p a r la e rand'ville. avec au cœur une chanson, douce e t puérile ... Le-' au fres. ceu.• des cofos e l d e:J p nfros de vacance!> commenceront ensemb ft· la p lus formid11hle des enfr~pr;.-:.p c. ... Où ? Qunud ? C o1'!u n c n t ? C 'es t ce qoc vouo d i.ra . !o p.rocb oln nu.m6ro de ·• C œ u.ro Voilluntu•.. •• PREMIER PRIX Un grand concours a eu lieu l'autre iour entre leo écoles d u d épartement d e l'Ardèche. On avoil demandé à tous les élèves de /aire une rédaction en l'honneur de la fête des Mères et tou,, leur~ J eooirs decaien t être envoyéo à M. /'lnapecteur d 'Académie. C'est un Cœur V aillant de 13 ans qui a remporté /e premier pri:v:. Chef de !'éq uipe Saint-M ichel, de la légion des Ardents, il appartient à un groupe qui nous est partrcu– lii:rement cher, car c·est u n groupe de ces petita frères malades qui, dans les pr civen fo el les sana.:J vivent si vaillamment noire belle Loi de C11ari!é. Le cran et ]a vaillance, Armand Duperret en a fait /' apprentis:age d ans des cir– con,tances paiticulièrement d ures, car, a'i/ a d e nambfeux frères et :;œurs, il a e u le .:hagrin de perdre tout jeune son papa et sa maman. C'est à cc/le-ci qu' il a voulu adresser en hommage l'ém ouvan te lettre qui lui a vulu le prem :er pirx du concours et que nous citons toute entière ici prirce q u"elle vous 11iontre1a à tous comment un p etit gars de chez ~o~s saif se aouvenir et prou ver p ar d es actes son amour et O(J reconnaissance... Ma chère Maman, E n ce jour de la fê te des Mères , je viens m'adresser à toi. ma chè re Maman, toi que j"ai eu le malhe ur d e p e rdre à !"âge de 6 ans, et bien q ue tu ne sois p lus, je veux re faire revi~ re dans mon souvenir; c 'est à toi oue ie d édie cette lellr<> Je me souviens que tu te d ép ensais sans compter pour que nous fussions heure ux. Je te revoie encore sur Te pas de notre maison proprette , rega rd ant en souriant, dans la cout, u n petit bonhomme de S ans à cheial s u r un morceau de bois, q u i courait en brandissant u n bâton vers un ennem i invi ;1ble. Je te revois encore , le matin, a ssise s ur une cha ise d e paille, prè s d u fournea u sur leque l bout u ne casserole d "eau, e t mouiant le ca fé qui sera n otre d éjeuner , to ut en g uettant une porte d"où pouvdit sortir à roui instant un petit fan tôm e bla nc qui était ton fils, ton petit b ien aimé. Et je me souviens aussi que ce p etit bon· h omme . ce p etit fantôme bla nc, c"éta it moi. Je me souviens quand j"étais rombé d a ns la rivière, et que Fernande m"a vait ramené à la maison , trempé et grelotfant. Comme tu m'avais dorloté , ce jour-là ! Tu ne t"es t1ouvée tranquille que lorsque tu m 'as vu dans mon lir, bien au chaud, d ormant du sommeil paisible des jeu nes enfants sans soucio. Je d evine a vec quelle a nxiété tu d e vais surveiller mon sommeil , t 'a ttendant toujours à ce que quelque griinaçant cauchemar ne vînt l'agirer. Je devin e encore ton lùng soupir de sou!agr:ment lorsq u'enfin tu fus rnssurée qu'aucune mcladie n 'était à craindre. En reconnai~snnce de tous les bienfaits dont tu m'as comblé, je te promet'S aujourJ'hui d e resrer toujov r;; un bon et loyal garçon. et quand j'aurai l'inten– tion de me laisse r a ller dam le m auva is chemin, je d irai: « Maman. viens é mon secour3 ! ! • et je suis sûr que ce ne · sera pas en va in que j·aurai prononcé ces p a roles . Je se!a i b ientôt en âge d 'entrer en apprent·issa ,se, je veux dever.~r u n bon et courageu x ouvrier et travailler ain >i au relèvement de n otre F rance m eurtrie. Je pre nds la résolution de roujours te faire honneur. Ma chère Maman, je d ésirerais ·aujourd'hui t"unir par le sou venir à toutes les Mamans de France, si heureuses d "avoir d es petits garçons pour le ur témoi– gner leur attachement et leur amour. Ton fils qui ne t 'oublie pas , Seul d ésarmais. R obert e rra it, mélanco– l ique. tê te basse et m ains dans les po– ch es. le lo ng des g r a ndes ave nues, d es b oulevar ds, d es places, des rue s. Le jou r, peu à peu, s 'avânçait, et lentem e nt tom– baien t des nues de gr a nde s flaqu es d 'om– bre commençante. Il se senta it l'âme do– lent e : d a ns sa pensée, d es• idées neuves, d es idées belle s, d es idées folles. E t les lumière des magasins semblaient de m erveill ei.lses lucioles... Un p a ssant s'étonna d e son désœuvre– men t, to·u t e n lui indiquaut un toit pour s'abriter... - Moi , fit R obe rt, je n e sais q u 'une chose : raconter... Il se complut à exposer : - Nous étions six petits garçons, nous e n a llant dans la campagn e, avec, aux lèvr es, une cha n son, e t l'espérance pou r compagn e. Bernard s'est !ait pay san, et Jean-Marie est forgeron. Gustave va de– venir marcha nd. Guy s'en ira, dans les maisons, visiter l es âmes et les gens. Hu– bert sera u n g rand savant... C'est alors que Robert s'aperçut que d 'au tres inconn u s s'étaient joints a u pas– sant, et l'écoutaient a ttentivemen t. C'é– taient des gen s d 'un p eu partout , des ou– vrier s, d e bons bourgeois, un g amin avec son litron, des employés d'on ne sait où, une jolie dame en robe d e soie, la cou– turiè r e et la crèm ière, le boulan ger et son mitron. E t t ous e n chœur s'esclaf– fa :e n t , se réjouis~aient : - Oh !... la b elle histoire, la belle his– toire, ohé !.".. a h !.. ah !... Oh ! la b elle his– toir e qu'il nou s racon t e là !... Alors, Rober t continua. et le cercle s 'a r– r on dissait... Si bien qu'enfin il a cheva : - J e s uis a rtis te, je suis poète ... J e Arma nd DUPERRET, Chef de l'équipe Sain t-Michel, Groupe C. V . du Pr~ventorium Vivarois d'Ucel . veux cha n te r les images .. T ou s les jours m e sont jours d e fête , oui. t o us les jours, et tous les â ges... J e serai écriv a in , bra– ves g e ns qui m 'écou tez. aut our de moi– formant la r onde ; il faut d e tou t pou r faire un monde !... . , Au r ëcit de la Delle hi~tofrc leo cœw ·s bntlaimt .. - Oh !... la belle hi stoir e, la b elle h is– toire, ohé !... a h !... a h !... O h !... la bef\e his t o ire q u e vous racontez là !... Ils é talent six petits g a rçons. rempll · d e f oi et â 'espéra nce , qui - chacu n cha n – tant sa chanson - a llaie nt r econstru ire l a F rance!... And r é LIVREUSES. UN CŒUR VAILLANT ta: PART PAS E N VACJU.1C'ES S.!U\'.S S'ASSURER QB'E SON JOURN.!U ,, LUI P,ARViENDRA RÉiGmLUZRJEMEN'A' CHAQUE S.EM. !UNE U ne faut pas compter le lrouvor dano le3 kiosqt:es, c<>ui<-ci ont !euro clientD qui, presquo ~rtout, épuisent leur otock en quelque~ heuro::;, Lo mf'ille ur moye n d '6;.rite r tout e :tn!J.i, c 'e st d.e so1J..3criro , n ant d e p:u tir, un abonnoment ooécial de n eanceo, (Abo .nement do 3 main, du 13 juil el nu 2'3 Se ptembre , p o.ur 12 franCB), Donna ton nom et ton odresse à toj_ di.rtg.2an1 o u onvoie-le nous direciemcnt Di tu ne \'a!l pas à un Croupe. S'~bonner, c'est bien, noll!l demandnr une fouille ~péciole de propagnndi!rle ot fairo souscrire à 9 c::J.marades le même ebonnem,0nt, c'est mieu.R e nco:-o. ot aeln 'permet de gngnor un 10° abonnoment grati.9. AVEC « C:ŒURS VAllLlLANTS )J CES VACANCES ll94l'i VONT SE TRANSFOR· MER lEN UN GRAND JEU :nd DIT ET ll'ru>Sl!:ON!NANT••• ABONNEZ-VOUS 'EOUS & La Q&i&Cn deo Le Guà était 111pic dons uo creux dt'l vallon, à une dcmi ..licue de Io mer, cotre Saint..Brieuc et Lamb::il'.e. Souo lco gronda chênes, tordus par leo vent a du Jor ge, elle é ait pareille à. toutco cellco du poys : quatre muro de (!ro.nit aria, pcrcé9 d'é troites ouver– t ure&, écrQsés Gouo le lourd toit de chaume. Tantôt pêcheur, tantôt paysan, le père ove :t bien du mal à nourrir ocs cinq enfants. Sn barc:uc - un misérab'e ra– fiot qui faiG11it eau de toutes porto - était ancrée dano un repli do l'anse d'Yf6nSoc. Quand il Io oortait, Io pêcheur emmenait toojoun avec lui aoa ainé, Y ODn, UD petit Cors de treize GOS, noir de peau et de cheveux, haut commo trois po~mcs, Qui, n'ayant peur de rien, était tou1oura prêt à donner un coup de cnein. Il On était arrivé oux jouro tragiques du printcmpa de 1794 i dans ce coin de Haute-Bretagne, Io Révolution faisait rogc, et chaque heure amenait des trÎG· tcsocs oouvcllen. Pa ur garder leure prêtres, pourcheesé5 par les Bleus, les paysano s'étaient sou· VevéJ et Gildas Le Guâ, comme les outres, c'était enrôlé dons Io compagnie levée par M. de Ruellon. A vrai d rc, ce serv:ce n'avait rien de régulier : des oema inco parfois o'écoulaicnt 6DnB quo l'homme fût appelé i parfoio, eu con– traire, il Guivait son chef dans de mys– térieuses expédjtiono et restait absent du logis hu it et Quinze jours, sans qu'on sût jomaio rien des opérotfono amr.queJ.. les il avait partic:pé. Lo fin de mors est venue - germinal on 11, sujvont le nouveau jargon du calendrier révoltJt 'onnaire. Depuio une huita'.ne, Le Guâ est ob6ent de la mo.ieon, et on est Gaos nouvelJeo de lui. La nuit est tombée très vite, cor, dehors. il bruine : c'est comme une ouate humide et tiède G'Ui eovoloppe Io· terre. Une chendelle, Qu'il fout sons cesse moucher , éclaire à peine le micér able intér ieur : oerréo p rè9 de la cheminée, Yves et Aooick amusent le• deu"' der· niera petita, Marie et Donan. Y oon, pendant ce tempo, aide sa mère à pré– porE:r le souper. T out à coup, le garçon prête l'oreille. - Mamao, murmurc·t-il, il y o quel– qu'un dehoro 1 Au même instant, on coup timide est frappé à. la porte, qui s'ouvre : an homme, enveloppé dao1 une houppe· laodo noire déguenillée, chapeau rabattu Gur les yeux, pénètre dans la salle ; une bnrbe longue, grisonnante, dissimule eo pgrtio ace tro:te émaciée, moi1, à s:es yeux, la femme et l'enfant recooao~aseot auseitôt l'arrivant. - Monsieur le Recteur 1 - Oui, c'est moi, Yvonne•.. Le Guâ eot-il là ? • M. Trodaniec était dcpuie vingt aao recteur de la p11roisse de l' Armor et n'avait ccasé d'y répandre ses bienfai~s. C omme la plupart de ses coofrères du diocèse, il o.vait refusé le serment à. 111 Constitution civile du Clergé et, malgré les lois de plus en plus sévères qui punissaient de mort les prêtres fidèles à l'Eglise, il était resté dono le pays, menant une vie errante, passant une nuit ic:i, une aut re là., se cachent le jour dons les halliers, se tenant toujoun cependant en union avec ceux qu' il considérait comme ses enfant'l ; pos u n bôbê ne naissait sana qu'il accourût le baptiser ; pas un moribond oon plus ne s 'en allait suoo qu'il lui apportât les derniers sacremento. VaioementJ depuis dca mois, les Bleus, le eochont toujours \Ïl., s' efforçoÎE>nt de le saisir ; cha4'Ue fois il trouvait le moyen de leur &:happer. Le prêtre o'est approché du leu pour oécber see vêtements transpercés, et il ne cache pas son dé&arroi de voir Le Guil absent. - Oui, je compta is aur lui... Et il explique : il e su, ce soir, que aa tête était mise à prix ; une colonne est pa rtie de Saint-Br:euc et doit, mort ou vif, le ramener ou chef.lieu ; oo va fouiller toutes les maisons, faire des ba~tues dons les boio... Tous le• chemins çont gardés... Lo mer seule reste encore libre : cette nuit même, il faut qu'une barque le mène au Verdelet, Io petit ilot eu lar~e de Pléneuf : là, dema in, une go~lette, qui est partie ce Goir de Paimpol, emmenant d'autres prê•ree, le prendra ou passage pour le transporter f.. Jersey... - .Je penFois que G ildas pourreit me conduire... Alore, tant p is, à la grûce de Dieu 1 On Gent que M . Trédoniec se résigne ; son sacrifice est consenti ; s'il le fout, il saura mourir, donner D'l vie pour so loi, comme l'ont déjir fait tant de ses confrèreo... Sans mot dire, Yonn o écouté les cxplÎC3tions du proscrit : il entend maie .. tenant s.o mère qu: se désole : - J e ne ooio même pos où est GiJ .. dos... Ah 1 Monsieur le Recteur, si le petit éioit pluo "ûg6 1 Le petit 1.•. A ce mot, l'enfant u'est :cdressé, proteste : - Mais, maman, je ne suis pas si petit que cela t••• Je sois bien conduire. lo bo.rque, et je peux remplacer popo. - Tu es fou, Yann... à ton âge J - Co n 'est pas poaaible, moo pauvre cnlont.. Par ce tempo 1 Lea deux phrases sont parties ea mêmo temp• de lia bouche de ln mère et Doucement 1'0URSé var la bl'i.,t , le batea u fl/t vo1·s Io nord de celle du prêtre... Lo ripost7 eat immédiate - Et, d'abord. je ne serai pao eeul ; Monsieur le Recteur m'oidero à foire la manœuvre... P uio, ce soir, Io. mer est ou calme plat : c'est une marée de Bientôt on dcvino que la mer est proche, au bruit aoyeux: du flot qui vient mourir sur la grêve. Yann . connait Ica lieux ' et, aana béai· ter, malgré l'obacurité, se dirige vere 1a criqu.c où la borG"Ue est amarrée ; M . T rédaniec le suit pas èa pae, Je cœur angoissé, redoutant à tout instant Io r encontre possible d'une patrouille de Bleu•. Ceux.ci, heufeusement, ne sont poo eocore là ... Le lu,:?itil et aon guide attei– gnent aona encombre l'esquif, le vident de l'eao qui le remplit, e'y embarquent et, en maniant Io godille, le mouaee a vite fait de s'éloigner du rivage... Dèe qu'il arrive un peu ou large, il dresse la voile, a vea J'aide du prêtre, et, pouer é par Io. br ioe, qui souffle doucement du midi, le bateau 61e vers le nord. Il eat etonnant, le gamin 1... C' est à croire, vraiment, qu' il est ua vieux loup de mer rompu ou métier ; comme 1i elle était conduite par son patron habitue l, ]'embarcation a1isoe et habi– lement, Y ann tient oolidement le gou– vernail, sons trop a'écarter du r ivaee. A vrai dire, il connait à fond ceo pora~es, a' ignore aucun rocher, sait lco pas se' qu'il faut suivre pour contour– ner Ta pointe des Guettes, éviter leo récifs des Trohiltiona et leo bana de sable de Port-Morvan... Tant de foio, avec son père, il a, en pêchant, longé cette cate de Io ba c de Saint-Brieuc. Puio, Dieu merci, ce soir, Io mer est comme un be, sons une ride, sou& le \'0ilr de brume qui Io recouvre. morte-eau, et la brume ne me fait PDG peur... Tl eut minuit bientôt i Io lune, à oon Longtemps encore on discute, Yvonne déc1in, co mmence à monter dono le hésit11nt à donner son conoentement, cic1. perçant le brouillard... Le littoral M. Trédanicc se refuaont à exposer se devine, a,·ec ses hautes falaises cnu– t'enfant. ronnéeo d'orhrets i oano bruit, 1a petite Celui-ci, à la fin, trouve le mot qui bar que vortue vent arrière, obliquQnt entraîne la décision : . un peu à l'est, pour éviter leo roches _ N otre-Dame de T oute-Bonté nous dnnt les têtes noires émergent par place, franaées d'écume. Assis ô. l'avnnt, protégera !... le prêtre pril", tondis que Y ann, à l'or· Que répondre ? Le recteur, qui c sur S!l parojssc la chapelle si vénérée où, rière, debout, suit la · route que non jadie, les joura de pardon, les fouleo se instinct de marin soit êt re la bonne. preosoient, ne peut mettre en doute la T out à coup, devant. une énorme masse, protection de la M adone... En Elle, donc, 6u rgit de l'omhrc ; dominant lee eaux ils se confieront, lui et 60 1} petit bntc· d'une cinq uanta'ne de mètres, le Yer– lier. delct, détache de ln pointe de Pléneuf, Oans la nuil sombre, le prêtre et découpe ses hautes parois à pic... Bien l'enfant ,sont partis et, du oeuil de la des fois J'enf:m r est venu là avec ~on chaumière, la mère, en larmes, les a père, pour poser leo cooiers Gnr lctï ll'US disparaître... plateaux . des .Jeunes et des Bi~nons, Sur le sen:icr qui t,;jca,ccnd au r iyoge, <1Ue la m~rée basse découvre à quclqueo i1s mo.rchent v:te, sono mot dire, l'oreil- centaines de n·ètres au lor[1,e ; il connait le aux: aguets, attentifs ou moindre bruit le ehcna1, qui mè ne 0 une étroite plage suspect... Rien ne trouble le ailence de où les barques de pêche peuvent e'omar– Io campagne, si ce n'est, de loin en rer : il y diri.qc la sienne, d'une mairi loin, le cri perçant d' un goéland qui ferme : un lé~er lieurt indique qu'on touche Io bord... passe. - Noua oomme1 •rrivéa, Monsieur le Recteur 1 Voua êtea a::iuvé... Le prêtre, dana 110 0 6motioo, ne 1ait queh mote t rouver pour exprimer au pet it ea grotitudf'... L 'attirant contre lui, il le serre dans eea bras et, au moment de 1auter à terre, a'écrie : - T u es un brave, Yann 1 - Que la Vior11e vou& garde, Moa- 1ieur le Recteur, et voue ramène vite 1 A bientôt 1 La borquo eat reportio... Sur Io ro· cher, où Il va attendre le pa•soge de Io !loé.Iette qu: doit l'emmener à J ersey, M. Trédaniec reste seul... Il jette une dernière fois t.. l'enfant qui u'cn va et que., dé:à, il ne voit plus, le mot qui dit tout : - A Dieu, Yann 1 Et de groooeo lormea coulent de oeo yeux. Sana encombre, le' voyage de retour o'cat effectué comme celui d'aller ; avant l'aube, le butcau a reprio sa place dons l'anse d'Yffiniac, et o ui ne peut oe dou~cr de l' expédition qu'il a faite. Trèe vite, Y oon eat rentré au )ortie et, comme un bonheur n'arrive jamais seul, il ·Y a retrouvé eoo pt re, revenu, lui aussi, nain et eauf, cette nuit. li était tempe. Q uelques heures pJua tord, sur 1e9 midi, Je. famille cet attablée, en train de manr,er la ooupe, quand, ou dehoro, Je tumulte d'une troupe nombreuse ce fait entendre ; en même tempe, dea coups violents ~branlent la porte, et le cri redouté o' élêve : - Ouvrez, ou nom de la loi !... Accompagné d'une occt ion de mili· cicns, le délégué jacob in de Soint-Bt: ::-~c, ceint uré de· tricolore, oe présente, mena– çant Le Guû. De fond en comble la moioon est fouillée : huche il pain, ormoiree, p!a. carda, ca,·e, grenier, fournil, pas un recoin n'eat oublié... Force, à 1o 6n, est bien atix Bleus de o"ovouer vaincus, et leur déconvenue Jea met en ra~c ... Le délégué, menaces aux lèvres, do:t donner, ou bout de deux heureo de vaincs recherches, Te eignal da dép3rt à sa troupe. Et ce fut ainsi c,-ue M. T rédaniec, recteur de l'Armor-cn·Yffiniac, fu t, en 1794, sauvé f'ar Y ann l...e G uâ, un petit mousse de 13 ans dont le cœur était vaillant, comme celui d' un homme. J .. s. Sivergnat. Jean- Fronçc.r:s est arrivé deva n t Io redouta· ble moison dont Je seul nom toit frémir ses équ ipiers. Résolumen t il en franchit le seuil. Ah ! ça, qu'est-ce qu'il Jui prend ? li n'y o pourta nt pas d'affiches à porter a ujourd'hui ! Des affiches? Non. Ma is pour un Cœur Voil· lant la conquête ne se résume pos à une ques– t ion d'a ffiches et c'est une conquête de taille que Jean-François veut foire, ce soir, à !o Mo ison- Haute . D'un trait Je garçon o franchi les quelques mètres qui le séparaient de l'ap– partement de Raoul. Allons, tout vo bien. Dédé n'est pas là et la momon de Ra oul est juste– ment en troin d'a stiquer Io clonche de sa porte. Poliment, Jean-François ret ire son b"tLet : a Est-ce que je pourrais vous voir, Madame, avec le papa de Raoul ? n Tout de suite, Io maman a reconnu son ie une v isite ur e t c'e st ovec emp ressement qu'elle ouvre devont lui Io porte de Io cuisine. Le popo de Rooul est là et un sourire illum ine sa fiourc à Io vue d e l'arrivant. Là -bos, dons · le fond de Io ·pièce, Raoul est là aussi. Mois dès qu'il a recon nu le Cœur Voillont, il rougit violemment et se o;onge dons Ja contemolotion d'un énorme a l– bum. Sans paraître s'en a percevoir, Jean-Fra n– çois entre tout de suite dans Je vif du sujet et Nous faiso ns dima nche une gra nde fCto en l'honneur de la Saint-Jean. Il y aura un feu et t OMt un tas de choses très chics : vous voyc:r: c'est expliqué do ns cc livret ' que J'oi a pporté pour vous. On sera it tous b ien contents~ si vous pouviez: venir.•• n La Sa in t -Jean... les feux dons Je soir... ces deux mots font défiler dans Ja mémoire du papo de Rooul foute une sérre d'images et porce Que ces images lui · o~pellent de joyeux souvenirs de jeunesse, porce ou 'ou !)remier coup d'œiJ H o vu que le pe tit livre contena it quelque chose de t rès chic et de t rès émouva nt , Je p apa répond a vec en- t rain : '? Bien sûr, mon garçon, o n ira à ton fou... 'JieB'!l, IG maman, donnc-1ui donc cent SOY5 paon G91) potit livre. n Un écloir illumine Io figure de Jean-François et tout de suite, il posse à QUelQUe chose de plus difficile. Faisant un pas vers Raoul qu i, nerveuse me nt, barbou ille de colle son olbum de timbres, il lance d'une voix enjouée : Toi a ussi Rooul, tu vie ndras, 11'Cll~·4'> i;;c~ ? n De rouge Rooul devient pôle. puis vert. Son regoid offolé toit le tour de Io pièce où lé papo et Io mamon se sont tus pour le la:sser foire. A;ors, comme ·il ne rencontre q ue d es visa ges encou ra ge ant s, comme, t ou t doucement, Jea n-François lui o glissé cet te pe– t ite phrase : a On o invité Pierre aussi, tu sais, il vie ndra sûrement... u, Raou l, sûr d 'être protégé contre le terrible Dédé, murmure à de– mi-voix, e n bredouillant : Mais oui... bien sûr... puisque papa e t mamon · y vont ... C'est fini. La gra nde ottoque se termine par une victo:re corT'plète. Royennont, Jean-François i:erre une de rn ière fois Io main des p a re nts d e Rooul et puis, comme une flèche, il sort de Io mo.~on pou r re:o indre J'end roit où Paul e t Ma r– cel do:vent l'a ttendre. Pourvu qu'ils a ient réussi aussi b ien q ue lu i ! Pourvu que Pierre se soit lmssé conva inc re, pourvu que ses pare nt s, moins sympa thiques oux Cœurs Voillonts que ceux de Raoul, a ient accepté de venir... A toute' jambes le chef d'équi!JC se hâte pour sovoir plus vite. Hélas ! la place. est vide, désc•pérémcnt vide et brcnt? t Io 1orc de Jeon-Fronçois se chonge en mqwetude, un p li soucieux remplace su r son visc ge Je joyeux sourire de tout à l'heure Poul et Morccl ne sont pas ou rendez-vous.. Pourvu que, là-bos, il ne leur soit rien orrivé.. CA ~uivre. ) Jeon Berna rd.

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